LES AFFECTIONS NEUROCHIRURGICALES DE L’ENFANT AU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE D’ANGONDJE (CHUA) : PRISE EN CHARGE ET EVOLUTION

Kuissi Kamgaing E1,2, Minto’o Rogombé S1, Ada Loembe FC2, Koumba Maniaga R2,Koko J1, Ategbo S1,2.

1. Département de Pédiatrie, Université des Sciences de la Santé (USS), BP 4009 Libreville Gabon.
2. Service de Pédiatrie et de Néonatologie du Centre Hospitalo-Universitaire d’Angondjé (CHUA), BP 23798
Libreville – Gabon

Auteur correspondant :
Dr Kuissi Kamgaing Eliane; Tel : 0024107023971 / 0024106566722
Pédiatre Néonatologue ; Maître Assistant ; Email : e.kuissi@gmail.com
Département de Pédiatrie USS-Gabon

Résumé

Introduction : 38 enfants porteurs d’une affection neurochirurgicale ont bénéficié d’une prise en charge pluridisciplinaire dans le service de pédiatrie générale du CHUA, de janvier 2013 à décembre 2016.
Objectif : Décrire les aspects épidémiologiques des affections neurochirurgicales de l’enfant.
Patients et méthode : Il s’agit d’une étude préliminaire, rétrospective et descriptive portant sur des patients des deux sexes âgés de 0 à 15 ans.
Résultats : Des 3814 enfants hospitalisés, 45 répondaient aux critères d’inclusion (soit une prévalence de 1,2%) et 7 ont été exclus pour dossier incomplet. L’âge moyen était de 26 mois. La tranche d’âge de 0-1mois était la plus observée. Le sexe rsatio étant de 2,16. Les grossesses étaient non suivies dans 28,9% des cas et 42,2% des mères avaient présenté une pathologie au cours de la grossesse. Dans 76,3% de cas, il s’agissait de pathologies neurochirurgicales malformatives. L’hydrocéphalie était la plus observée dans 65,5%. Sur les 38 enfants, 27 ont bénéficié d’un traitement chirurgical, soit un taux de 71% et le taux de mortalité globale était de 28,9%. Dans le groupe des enfants présentant une malformation congénitale, 31% n’avaient pas été traités, le taux de mortalité était de 24,1%. Les complications à court termes étaient dominées par les infections et à long terme, par des retards psychomoteurs et de croissance.
Conclusion : Les pathologies neurochirurgicales sont redoutables car les taux de mortalité et de morbidité restent encore très élevés, d’où la nécessité d’un plateau technique adapté.

Mots-clés : méningocèle – spina bifida – hydrocéphalie – encéphalocèle – neurochirurgie

Summary

Introduction: 38 children with a neurosurgical condition received multidisciplinary care in the Department of Paediatrics of the CHUA, from January 2013 to December 2016.

Objectives: Describe the epidemiologic, therapeutic, and evolutionary aspects.

Patients and method: this is a preliminary, descriptive and retrospective study on patients of both sexes aged 0 to 15 years.

Results: 3814 hospitalized children, 45 met the criteria for inclusion (i.e., a prevalence of 1.2%) and seven were excluded for an incomplete record. The average age was 26 months. 0-1 month age group was the most observed. The sex ratio was 2.16. Pregnancies were not followed in 28.9% of cases, and 42.2% of the mothers presented a pathology during pregnancy. In 76.3 percent of cases, the affections were neurosurgical malformations. Hydrocephalus was the most observed in 65.5%. Of the 38 children, 27 received surgical treatments, representing a rate of 71% and the overall mortality rate was 28.9%. In the Group of children with a congenital malformation, 31% had not been addressed; the mortality rate was 24.1%, short-term complications were dominated by infections and long-term, psychomotor delay and growth.

Conclusion: Neurosurgical disorders are dangerous because the mortality and morbidity rate is still very high, where the need for a technical platform adapted.

Keywords: meningocele – spina bifida – hydrocephalus – encephalocele – neurosurgery

 

Introduction

Les anomalies congénitales sont fréquentes et concernent toutes les maladies des enfants à leur naissance, développées in utero par erreur du développement, quelques soient leurs causes ou retentissement [1]. Elles constituent un véritable problème de santé publique avec une prévalence élevée, variant d’un pays à l’autre. Ces anomalies peuvent constituer une menace vitale, entraîner des incapacités sur le long terme et avoir un impact préjudiciable sur les individus, leur famille, la société et les systèmes de santé [1,2]. Le plus souvent, ces anomalies congénitales sont observées au niveau cardiaque (25%), au niveau des membres (20%) et du système nerveux central (15%) [3]. La plupart des anomalies du système nerveux central sont malformatives, et prévisibles par des moyens diagnostics, médicamenteux ou vaccinaux tel que le vaccin anti rubéole.

Le pronostic dépend de la rapidité diagnostique et thérapeutique. Cependant, le diagnostic et la prise en charge demeurent encore problématiques dans notre pays où il n’existe dans aucun hôpital un plateau technique neurochirurgical adéquat et de personnels qualifiés en neurochirurgie pédiatrique.

Cette disponibilité de plateau technique et de ressources humaines qualifiés passe par une compréhension des différents aspects épidémiologiques de ces affections [4]. Au sein du Centre Hospitalier Universitaire d’Angondjé (CHUA), il existe une unité de Neurochirurgie adulte dont la capacité d’accueil est très limitée à 4 lits et ayant en son sein un neurochirurgien adulte. Ce service reçoit en collaboration avec le service de pédiatrie les enfants porteurs d’anomalies congénitales neurochirurgicales venant de tout le pays. Il se pose alors des problèmes d’espace, d’infrastructures, decompétences médicales et paramédicales nécessaires à la prise en charge efficiente de ces graves affections infantiles.

Afin de poser ce problème de santé grave mais encore négligé dans notre pays, où il n’existe aucune politique thérapeutique curative ou préventive, il est primordial d’avoir des connaissances épidémiologiques. Nous avons donc initié cette étude préliminaire dans le but de décrire les aspects épidémiologiques, thérapeutiques et évolutifs des affections neurochirurgicales de l’enfant admis au CHUA.

 

Patients et méthodes

Il s’agit d’une étude préliminaire, rétrospective et descriptive qui a eu lieu au CHUA sur une période de 4 ans allant de janvier 2013 à décembre 2016.
Nous avons inclus les dossiers d’enfants des deux sexes, âgés de 0 à 16 ans, hospitalisés dans le service de pédiatrie et de néonatologie durant la période d’étude pour des affections neurochirurgicales. Les dossiers incomplets n’étaient pas retenus dans cette étude. La sélection des dossiers médicaux a été effectuée après leur identification dans les différents registres du service et les données étaient renseignées sur une fiche standardisée. Les paramètres étudiés ont été les données épidémiologiques, les données cliniques et paracliniques, les données thérapeutiques et l’évolution. Les données ont été saisies et traitées grâce au logiciel EPI Info 7, le logiciel Microsoft Excel 2013 a permis la réalisation des tableaux.

 

Résultats

Durant la période, 3814 enfants ont été hospitalisés, 45 (14 en néonatologie et 31 en pédiatrie) répondaient aux critères d’inclusion, soit une prévalence générale de 1,2%. Parmi ces 45 dossiers, 7 ont été exclus (2 en néonatologie et 5 en pédiatrie) pour dossier incomplet. Notre population d’étude était donc composée de 38 enfants.

Caractéristiques générales de la population

L’âge moyen était de 26 mois avec les extrêmes allant de 0 à 144 mois. La tranche d’âge de 0 – 1 mois était la plus observée (31,5%, n=12). La tranche des enfants âgés de 1 mois à 1 an représentait 26,3% (n=10), de 1 à 5 ans. Le sexe ratio était de 2,16 avec plus de garçons (68,4%, n=26) que de fille (31,6%, n=12). La provenance des enfants était le CHUL dans 36,84% des cas, suivi du CHUA dans 28,9% de cas (figure 1).

 

Figure 1 : répartition des patients selon leur provenance
CHUL : Centre Hospitalo-Universitaire de Libreville, CHR : Centre Hospitalier Régional, CHRAB :
Centre Hospitalier Régional Amissa Bongo, CHRO : Centre Hospitalier Régional d’Oyem

Pour ce qui était des antécédents des grossesses, celles-ci étaient désirées dans 63,2% des cas. Des manoeuvres abortives ont été notées dans 31,6% des cas. La grossesse était non suivie dans 28,9% (n=11) des cas. Quand elle était suivie (71,1%, n=27), le suivi se faisait par le gynécologue dans 33,3% (n=9) et par la sage-femme dans 66,7% (n=18). Le bilan biologique n’était pas réalisé dans des proportions allant de 37,9 % à 64,9% selon la sérologie demandée (tableau I).

Tableau I : Répartition des patients selon le bilan prénatal

BilanPositif/Immunité acquise (%)Négatif (%)Non fait (%)
Syphilis1 (2,7)20 (54)17 (43,3)
Hépatite B1 (2,7)18 (48,6)19 (48,7)
Toxoplasmose23 (62,1)-15 (37,9)
Rubéole23 (62,1) -15 (37,9)
HIV-13 (35,1)25 (64,9)

L’échographie obstétricale était réalisée chez 18 femmes (47,4%). Le nombre moyen d’échographies réalisées par femme était de 1 échographie, avec un minimum de 0 et un maximum de 5. Au cours de la grossesse 42,2% (n=16) des mères avaient présenté une pathologie. Les pathologies infectieuses avec fièvre étaient les plus observées (28,9%, n=11), suivi du diabète (7,9%, n=3), de la pré-éclampsie (2,7%, n=1) et de la syphilis (2,7%, n=1). Les traitements reçus au cours de la grossesse ont été répertoriés dans le tableau II.

Tableau II : traitements reçus au cours de la grossesse

TraitementsEffectifs%
Maloxine©2360,5
Supplément fer2052,6
2 VAT1642,1
1 VAT1026,3
Rovamycine + fer12,7
Pénicilline12,7
Acide folique00
Inconnu1642,1

Les pathologies malformatives étaient observées dans 76,3% (n=29) (figure 2)

 

Figure 2 : Répartition des pathologies identifiées

 

Les pathologies malformatives

 

Chez les patients atteints de pathologies malformatives, il y avait 10 filles et 19 garçons soit un sexe ratio de 1,9. L’âge moyen était de 16 mois avec des extrêmes allant de 0 à 25 mois. Ces pathologies regroupaient l’hydrocéphalie (65,5%, n=19), le spina bifida (31%, n=9) et l’encéphalocèle occipitale (3,5%, n=1). Parmi les patients porteurs d’hydrocéphalie, 7 étaient des nouveau-nés. Les causes de l’hydrocéphalie étaient une sténose de l’aqueduc de Sylvius (n=5), la malformation d’Arnold Chiari (n=4), le kyste arachnoïdien (n=2), post méningite (n=2) et la malformation de Dandy Walker (n=1). La cause était inconnue chez 2 enfants, et 3 n’avaient pas pu réaliser d’examen complémentaire à visé diagnostique. Le Spina bifida était reparti en 5 cas de myéloméningocèle et de 4 cas de méningocèle. La forme lombaire était observée chez 7 enfants et 2 enfants présentaient la forme sacrée. Il était associé à l’hydrocéphalie dans 8 cas. L’âge moyen de découverte des patologies malformatives était de 6,1 mois avec des extrêmes allant de 0 à 36 mois. Le Spina bifida et l’encéphalocèle étaient diagnostiqués en post natal lors de l’examen du nouveau-né en salle de naissance chez tous les enfants. En ce qui concerne l’hydrocéphalie, 2 étaient découverts en période anténatale, et 17 après la naissance. Parmi eux, 7 étaient découverts en période néonatale, 5 entre 1 et 12 mois, 4 entre 12 et 24 mois et 1 entre 24 et 36 mois. Sur le plan clinique, l’augmentation du périmètre crânien (PC), les yeux en couché de soleil
et les pleurs incessants étaient les signes cliniques les plus observés (tableau III).

 

Tableau II : Signes cliniques retrouvés chez les enfants atteints de pathologies malformatives

SignesOui (%)Non (%)Non exprimé (%)
Augmentation du PC24 (77,4)7 (22,6)0
Yeux en coucher de soleil21 (67,7)10 (32,3)0
Pleurs incessants20 (64,5)11 (35,5)0
Bombement de la fontanelle17 (54,8)14 (55,2)0
Vomissements16 (51,6)15 (48,4)0
Fièvre15 (48,4)16 (51,6)0
Dilatation des veines
épicrâniennes.
10 (32,3)21 (67,7) 0
Disjonction des sutures10 (32,3)21 (67,7)0
Convulsions10 (32,3)21(67,7)0
Hypotonie axiale7 (22,6)24 (77,4)0
Vertiges4 (12,9)0 (0)27 (87 ,1)
Troubles sphinctériens4 (12,9)0 (0)27 (87,1)
Céphalées2 (6,5)0 (0)29 (93,5)
Hypertension intracrânienne2 (6,5)29 (93,5)0
Refus alimentations2 (6,5)29 (93,5)0
Déshydratation2 (6,5)29 (93,5)0

 

Le bilan radiologique était réalisé chez 21 enfants (72,4%). Parmi eux, l’échographie transfontanellaire était réalisée dans 47,6% (n=10) de cas, tous étaient des nouveau-nés, la TDM cérébrale dans 71,4% (n=15) de cas et l’IRM dans 14,3% (n=3) de cas. Le bilan infectieux était réalisé chez tous les patients. Une intervention chirurgicale était réalisée chez 20 enfants (69%). Le délai moyen entre le diagnostic et la prise en charge chirurgicale étaient de 4,2 mois avec des extrêmes allant de 1 à 25 mois. La dérivation ventriculo-péritonéale était l’acte chirurgical le plus pratiqué (75%, n=15). Le traitement du myéloméningocèle était observé dans 10% de cas (n=2), dont 1 seul était associé à une dérivation ventriculo-péritonéale. Il était suivi du traitement de méningocèle (10%, n=2), et de l’encéphalocèle (5%, n=1). La proportion d’enfants non opérés était de 31% (n=9), parmi eux, il y avait 4 hydrocéphalies et 5 spina bifida. Les antibiotiques ont été administrés à tous les enfants. Les autres médicaments utilisés étaient le Phénobarbital (20,7%, n= 6), le Mannitol (10,3%, n=3) et le Fluconazole (10,3% n=3). La transfusion du culot érythrocytaire a été effectuée dans 13,8% des cas (n= 4). Les complications en cours d’hospitalisation étaient observées chez 25 enfants soit 86,2% de manière générale. En période post opératoire, 16 enfants sur 20 (80%) présentaient des complications. Celles-ci correspodaient à une septicémie (7), une surinfection de la plaie opératoire (5), une méningite (2), ou à une obstruction de la valve de dérivation (2). Le délai d’apparition des complications post opératoires variait de 2 à 120 jours.

 

Les pathologies infectieuses

Les pathologies infectieuses étaient observées chez 4 (10,5%) enfants. Elles se répartissaient en 2 cas d’abcès sous dural compliquant une méningite et 2 cas d’hydrocéphalie post méningite. Il s’agissait de 3 filles et d’un garçon dont l’âge variait de 2 à 9 ans. Les manifestations cliniques observées étaient à type de céphalées persistantes, de convulsions, de vomissements, de syndrome d’hypertension intracrânienne et de syndrome infectieux. La tomodensitométrie cérébrale a été réalisée chez 2 enfants et l’imagerie par résonance magnétique cérébrale chez les 2 patients présentant une hydrocéphalie.

La prise en charge était chirurgicale chez 2 enfants. L’acte chirurgical était le drainage de l’abcès et la pose d’un drain de dérivation. L’antibiotique était utilisé chez tous les enfants. Le décès était observé chez les 2 enfants porteurs d’abcès cérébral.

 

Les pathologies tumorales

Les différents processus expansifs intracrâniens ont été observés chez 3 enfants (7,9%). Il s’agissait de 2 cas d’astrocytome (dont un était situé au niveau du 4ème ventricule et l’autre au niveau du cervelet) et de 1 cas d’épendymome. Tous les enfants étaient de sexe masculin et âgés respectivement de 4 ans, 5 ans et 7 ans. La découverte a été faite après la réalisation de la TDM et de l’IRM cérébrale chez tous les patients devant des manifestations cliniques à type de céphalées persistantes, de convulsions, de vomissements et de syndrome d’hypertension intracrânien.

La prise en charge était chirurgicale chez tous les enfants. L’acte chirurgical était l’exérèse partielle de la tumeur. Chez tous les enfants, le mannitol, le phénobarbtal et les antibiotiques étaient utilisés.

 

Pathologies traumatiques

Les pathologies traumatiques étaient observées chez 2 enfants (5,3%). Il s’agissait de 1 cas d’hématome extradural et de 1 cas embarrure associé à un hématome sous dural. Tous étaient de sexe masculin, âge de 19 et de 66 mois. L’accident de la voie publique et l’accident domestique étaient les causes du traumatisme. Un syndrome d’hypertension intracrânienne était la manifestation clinique observée chez tous les enfants. Ils avaient tous bénéficié de la réalisation d’une TDM cérébrale et d’un traitement chirurgical. La trépanation et drainage étaient le geste réalisé. Le traitement médicamenteux comportait essentiellement l’utilisation des antibiotiques.

 

Devenir des patients

Le taux global de mortalité était de 28,9%. Dans le groupe des enfants porteurs d’anomalies congénitales (n=29), on observait 7 décès, soit un taux de 24,1%. Parmi eux, 5 étaient porteurs de Spina bifida et 2 d’hydrocéphalie. L’âge moyen était de 6 mois avec des extrêmes allant de 0 à 24 mois. Parmi les 7 enfants décédés, 4 avaient été traités chirurgicalement. Le délai moyen entre la chirurgie et le décès était de 7 jours avec des extrêmes allant de 6 à 21 jours. La cause du décès était infectieuse chez 6 patients et inconnue chez 1 patient. Chez les survivants (n=21), les complications à long terme observées à 3 ans d’âge étaient un retard psychomoteur observé chez tous les patients (100%) et un retard de croissance dans 76,2% (n=16) de cas. Le décès était observé chez les 2 enfants porteurs d’abcès cérébral dans le groupe des enfants présentant une pathologie infectieuse. De même, les 2 enfants porteurs d’astrocytome étaient décédés dans le groupe des enfants ayant une pathologie tumorale. Dans ce groupe, les 2 survivants présentaient des séquelles à type d’épilepsie et de céphalées persistantes. La guérison sans séquelles à court terme était observée chez les 2 enfants présentant des pathologies traumatiques.

 

Discussion

Notre étude était une étude descriptive et rétrospective qui a consisté en une analyse des paramètres épidémiologiques, cliniques, thérapeutique et évolutifs des patients ayant présentés une affection neurochirurgicale au département de pédiatrie du CHUA.

Ce travail comporte des limites. D’abord le caractère rétrospectif de notre étude, qui ne nous a pas permis d’avoir toutes les données nécessaires pour effectuer des analyses épidémiologiques complètes. Cet aspect ne nous a pas également permis l’inclusion de 7 dossiers d’enfants porteurs d’affections neurochirurgicales.

La prévalence des affections neurochirurgicales dans notre service a été de 1,2%. Au Benin, Gandaho et al ont observé une prévalence plus forte à 16,36 % [5], ainsi que Aka et al en Côte d’Ivoire avec un taux de 11 % [6]. Cette faible prévalence dans notre étude est probablement en rapport avec le fait qu’il s’agit de la prévalence hospitalière d’un service de pédiatrie général et non de neurochirurgie pédiatrique d’une part et par le fait qu’il n’existe pas de programme efficient de prise en charge de ce type d’affection dans notre pays d’autre part. En effet, une sensibilisation de la population sur les affections neurochirurgicales de l’enfant a eu pour effet une amélioration le diagnostic au Bénin [5]. Dans ce travail, les pathologies malformatives dominent largement les étiologies des affections neurochirurgicales de l’enfant avec un taux de de 76,3%. Ces pathologies malformatives constituent un groupe de troubles divers développés in utero par erreur du développement, existant par ce fait dès la naissance quelque soient leur retentissement [1,7]. En considérant tous les types d’anomalies majeures comme mineures, celles qui sont congénitales sont fréquentes avec une prévalence mondiale d’environ 14% de naissances vivantes [8]. En Europe, elles représentent 10,1% des naissances [9]. En Tunisie, elle a représenté 46,47% des foetus autopsiés [10] et à Yaoundé au Cameroun, la prévalence a été de 9 cas pour 1000 naissances [11]. Au Nigéria, elle a été de 0,98% [12]. Les anomalies du système nerveux central représentent 15 % des anomalies congénitales [3]. En Tunisie, les anomalies congénitales cérébrales représentent 13,41% [10]. Dans notre étude, l’hydrocéphalie est la pathologie la plus observée dans le groupe des pathologies malformatives (65,5% de cas), suivie des anomalies de fermeture du tube neurale (34,5%). Ce constat a également été fait au Benin où l’hydrocéphalie et les anomalies du tube neural ont été les pathologies neurochirurgicales les plus observées chez les enfants dans une étude réalisée par Gandaho et al avec des taux respectifs de 50,8% et 34,6% chez les moins de 1 an, puis 25,9% et 27,1% entre 5-14 ans [5]. Au Nigéria, c’est plutôt les anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida 68%) qui prédominent, suivi par l’hydrocéphalie (15,3%) [12]. Nous avons observé que l’hydrocéphalie a été associée aux anomalies du tube neural 8 fois sur les 9 cas recensés. Ce constat est également observé dans l’étude de Djientcheu et al où l’hydrocéphalie est présente dans 40,02% de cas des anomalies du tube neural [13]. Cette association est également enregistrée chez 65,3 % des patients de Mohat et al, [14]. Dans 20,4% de cas, l’association myéloméningocèle et hydrocéphalie a été observée chez Eke et al [12] et a été la poly malformation la plus fréquente dans l’étude de Kamla et al [11]. En effet, les anomalies du tube neural sont parmi les anomalies congénitales les plus courantes des atteintes du système nerveux [7] et sont les plus invalidantes des malformations chez les nouveaunés en milieu pédiatrique d’Afrique Subsaharienne [13]. Elles représentent 5% des malformations congénitales [15] et touchent le cerveau et la moelle épinière, donc sont très fréquemment associées à un trouble de la circulation du liquide céphalorachidien. Parmi les anomalies de fermeture du tube neural recensées dans notre étude, le myélomeningocèle a été l’anomalie la plus observée, suivie de méningocèle et d’un seul cas d’encéphalocèle. Au Cameroun, Motah et al ont fait le même constat [14], de même que dans le travail de Djientcheu et al où la myélomeningocèle a été majoritairement observée, suivi de l’encéphalocèle et de la méningocèle en 3ème position [13]. C’est également le myéloméningocèle qui est l’anomalie la plus observée par Eke et al [12]. En effet, le spina bifida est l’affection la plus fréquente des anomalies congénitales du système nerveux central et le myéloméningocèle est sa forme la plus observée [8]. Les causes des malformations congénitales sont variées et diverses. Le plus souvent, il est difficile de déterminer la cause exacte [1]. Il peut s’agir d’anomalies monogéniques, des anomalies chromosomiques, d’une hérédité multifactorielle, des maladies de la mère, comme le diabète sucré, certains états pathologiques tels que les infections maternelles (syphilis – rubéole), les carences en iode ou en acide folique, et l’exposition à des agents tératogènes comme les médicaments, les drogues (alcool et tabac), certains produits chimiques dans l’environnement et à des radiations à forte dose [16]. Dans l’étude de Kamla et al, les facteurs de risque ont été la fièvre maternelle au premier trimestre, les antécédents d’avortement spontané, la primiparité et l’absence de supplémentation péri conceptionnelle en acide folique [11]. Dans celle de Eke et al, des antécédents tels que les maladies fébriles dans le premier trimestre de la grossesse, l’ingestion d’alcool, et le diabète ont été cités [12]. La proportion de mère ayant présentées une pathologie au cours de la grossesse dans notre étude est de 42,2%. Parmi elles, le diabète, les affections fébriles et la syphilis ont été observés. Le caractère rétrospectif de notre étude ne nous a pas permis d’évaluer l’exposition des mères aux agents tératogènes environnementaux. Le fait que le Gabon soit un pays minier doit nous conduire à faire une étude à grande échelle sur les anomalies congénitales dans notre pays avec une analyse approfondie et pertinente des facteurs d’exposition des mères.

Le diagnostic de ces affections neurochirurgicales malformatives peut être fait avant la naissance, à la naissance ou plus tard dans la vie [1]. Depuis l’amélioration des techniques de diagnostic radiologique, les anomalies congénitales du système nerveux telles que les anomalies de fermeture du tube neural et l’hydrocéphalie sont dans la quasi-totalité des cas diagnostiquées en anténatale dans les pays développés. Dans notre travail, aucun cas de Spina bifida ou d’encéphalocèle n’a été diagnostiqué en anténatal, seulement 2 cas d’hydrocéphalie ont été découverts en anténatal. Ce faible taux de diagnostic anténatal est également observé au Cameroun [13], au Bénin [5], au Maroc [15] et au Nigéria [17]. Cette insuffisance de diagnostic anténatal observée est le fruit du mauvais suivi de grossesse. Au Maroc, Radouani et al observent que 29% de grossesses n’ont pas été suivies [15], dans notre étude, 28,9% de grossesses n’ont pas été suivies. Lorsqu’elles ont été suivies, elles ont été à la seule charge de la sagefemme dans 66,7% de cas. En effet, dans notre pays les sages-femmes ne sont pas habilitées à réaliser les échographies obstétricales, elles doivent référer la parturiente à un gynécologue pour la réalisation de cet acte. Ce circuit de la paturiente est probablement l’une des raisons pour lesquelles l’échographie anténatale n’a été réalisée que dans 47,4% de cas. De même, dans l’étude de Djientcheu et al, l’échographie anténatale a été réalisée dans 32,8 % des cas seulement [13]. Tout ceci justifie le retard de diagnostic observé dans nos différentes études, puisque l’âge moyen de découverte a été de 6,1 mois (variant de 0 à 36 mois) dans cette étude. Au Kenya, Munyi et al ont observés des retards de diagnostic allant jusqu’à 3 ans pour certaines anomalies [18]. La précocité du diagnostic et la rapidité de prise en charge conditionnent non seulement la survie, mais aussi la qualité de vie des patients présentant une anomalie congénitale majeure. Dans notre étude, 31 % des enfants n’ont pas pu être traités. Pour ceux qui ont été opérés, le délai entre la naissance et la prise en charge a été trop long, allant jusqu’à 25 mois et ceci bien que le diagnostic soit posé immédiatement à la naissance pour certaines pathologies. Le contexte socioéconomique bas et le manque de plateau technique (neurochirurgien pédiatrique en particulier) sont responsables de ce délai extrêmement long et de l’absence de soins observés chez certains patients. A cela s’ajoute le prix exorbitant de la valve de
dérivation ventriculo-péritonéale pour la prise en charge de l’hydrocéphalie (700 000f pour les patients non assurés à caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) et 400 000 CFA pour les patients assurés). Ce manque de moyens financiers justifie aussi le fait que dans notre étude, les explorations radiologiques à visées diagnostiques n’ont été réalisées que dans 72,4% de
cas. Au Cameroun, seulement 26,09% des patients ont eu accès au traitement à cause du manque de moyen [13]. Au Nigéria, seulement 61,2% des patients présentant un spina bifida ont été traités [12].

Malgré les progrès effectués dans les techniques de traitement, les complications et les séquelles générées pas les anomalies malformatives du tube neural et de l’hydrocéphalie restent graves car il s’agit dans la quasi totalité des cas des séquelles psychomotrices et sphinctériennes. Les complications ont été observées chez 86,2% de nos patients en général et dans 80% de cas en post opératoire en particulier. Ces complications ont été dominées à court terme par les infections et à long terme par des retards psychomoteurs et de croissance. Au Niger, le taux de morbidité a été de 86,82% [19]. Au Cameroun, ce sont également les infections qui ont dominé les complications observées par Motah et Djientcheu et al [13,14].

Dans notre étude, le taux global de mortalité a été de 28,9%. Cette mortalité a été plus observée chez les enfants présentant des anomalies congénitales simplement parce qu’ils ont été plus représentatifs dans notre population d’étude. Mais, on sait aussi que les anomalies congénitales représentent la première cause de mortalité infantile dans de nombreux pays du monde [8] et malgré les progrès effectués dans les techniques de dépistage et de traitement, l’OMS estime encore que chaque année, 276 000 nouveau-nés meurent avant l’âge de 28 jours à cause des anomalies congénitales [1]. Ces décès dus aux anomalies congénitales deviennent la plus importante cause de mortalité dans les régions où le taux global de mortalité infantile est faible. Par exemple dans la Région européenne, 17 à 43 % de la mortalité infantile ont été attribuéee à une anomalie congénitale [20]. Dans 10% de cas, il s’agit d’anomalie du système nerveux central [21]. Dans notre travail, le taux de mortalité a été de 24,1% dans le groupe des enfants présentant une malformation congénitale, proche de celui observé au Maroc (20 à 36%) [15]. Ce taux est supérieur à celui observé au Cameroun (11,59%) [13] et au Nigéria (1,4%) [12]. Cette différence est probablement due au manque de plateau technique et de personnels spécialisés dans la neurochirurgie infantile dans notre pays. Cette défaillance dans la disponibilité du plateau technique devrait nous imposer une rigueur absolue dans la prise en charge préventive de ces anomalies. Car par exemple, il est bien établi que la prévention par le conseil génétique, la prise d’acide folique en période périconceptionnelle et la précision du diagnostic anténatal ont fait baisser la prévalence des anomalies du tube neural dans plusieurs pays [8]. S’il est difficile de préciser le diagnostic anténatal et de faire le conseil génétique dans notre région, l’utilisation de l’acide folique en période péri conceptionnelle est largement à notre porté. Hors dans notre étude, comme dans celle de Kamla et al au Cameroun [11], Olufemi et al au Nigéria [17], aucune mère n’a reçu de l’acide folique en prévention. Dans une autre étude au Nigéria, Eke et al observent que cette prévention a été absente chez 79,2% des mères [12]. Or il est démontré que la prise de 400 microgrammes d’acide folique par jour en période péri-conceptionnelle permet de baisser la prévalence des malformations du tube neural de plus de 50% [15]. Cette absence d’utilisation de l’acide folique n’est pas spécifique de nos régions car dans un pays développé comme la France, une politique défectueuse de supplémentation en acide folique est observée, et est la cause de l’augmentation de la prévalence du spina bifida [8]. Par contre, l’absence de promotion de la vaccination contre la rubéole dans notre programme élargi de vaccination est une spécificité régionale voir nationale. Cette problématique doit être signalée même si nous n’avons pas observé d’anomalie congénitale liée à cette affection. Tout ceci met bien en évidence le fait que les efforts réalisés dans la prévention de ces anomalies congénitales, ne sont encore suffisants dans les pays en développement.

 

Conclusion

Les pathologies neurochirurgicales de l’enfant génèrent une mortalité et une morbidité réelles dans notre structure hospitalière. Leur prise en charge reste encore problématique par le manque de plateau technique et de ressource humaine qualifiée. Or, la plupart peuvent être prévenues par de simples moyens diagnostiques et médicamenteux tels que le suivi de la grossesse et l’utilisation de l’acide folique. La prise en charge intégrale du traitement par la CNAMGS et la formation du personnel aideront à améliorer l’avenir des enfants porteurs d’affections neurochirurgicales dans notre pays.

 

Références

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