Ganga-Zandzou PS1,2, Kuissi Kamgaing E2,3, Minto’o Rogombe S3, Koko J3, Ategbo S3.
1. Service de Pédiatrie, Fédération Médico-chirurgicale de Pédiatrie, Centre hospitalier de Roubaix,11-17 boulevard Lacordaire, Roubaix, Cedex 1.
2. Service de pédiatrie polyclinique El Rapha Libreville, BP 256 Libreville Gabon
3. Département de pédiatrie Faculté de Médecine de Libreville, BP 4009 Libreville Gabon
Auteur correspondant : Ganga-Zandzou Patrick Serge ; Tel : 00336 82443323 ; Email : serge.gangas@ch-roubaix.fr
Résumé
Introduction : Le syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires est une forme particulière d’allergie alimentaire affectant l’appareil digestif. Les symptômes sont très variés et souvent sévères. Son diagnostic, le plus souvent réalisé tardivement n’est pas toujours aisé et son traitement est particulier. Nous rapportons les observations de 6 enfants ayant présentés un syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires dans les services de pédiatrie du Centre hospitalier de Roubaix et de la polyclinique El Rapha de Libreville sur une période de 7 ans.
Observations: 6 enfants ont présenté un syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires après ingestion de lait de vache. Tous ont présenté des signes digestifs caractéristiques. Le diagnostic était le plus souvent énoncé secondaire. Des complications étaient observées à type de déshydratation et de dénutrition. L’évolution était favorable après arrêt des protéines de lait de vache.
Conclusion : Cette forme clinique d’allergie aux protéines alimentaires ne doit pas être méconnue afin d’y répondre de manière adaptée car les complications sont potentiellement mortelles.
Mots – clés : entérocolite – protéine alimentaire – difficulté diagnostic – enfants.
Summary:
Introduction: The food protein-induced enterocolitis syndrome is a particular form of food allergy affecting the digestive system. The symptoms are diverse and often severe. The diagnosis, more often carried out late is not easy and the treatment is special. We report the observations of 6 children who presented a syndrome of enterocolitis induced by food proteins in the pediatric services of the Hospital Center of Roubaix and the Polyclinique El Rapha in Libreville over a period of 7 years.
Observations: 6 children presented a syndrome of enterocolitis after ingestion of cow’s milk-induced food proteins. They all presented typical digestive signs. The diagnosis was most often spelled secondary. The complications observed were dehydration and malnutrition. The evolution was good after introducing cow milk proteins.
Conclusion: This clinical form of food protein allergy should not be ignored in order to respond adequately because the complications are life-threatening.
Keywords: enterocolitis – food protein – diagnostic issue – children.
Introduction
Le syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) est une forme particulière et rare d’allergie alimentaire du nourrisson non IgE dépendante. Elle est décrite pour la première fois par Rubin en 1940 [1] et pris vraiment en considération dans les années 1967 après la publication d’une série de 21 enfants par Gryboski [2]. Elle se caractérise par des manifestations principalement digestives avec une réponse inflammatoire systémique potentiellement sévère [3,4]. Il s’agit d’une affection à manifestation retardée, à type d’hypersensibilité gastro-intestinale dont la physiopathologie est mal connue et n’ayant pas de biomarqueur disponible pour aider au diagnostic [5,6]. Ceci est responsable du fait que son diagnostic n’est pas toujours aisé et le plus souvent réalisé tardivement. Les symptômes sont très variés et souvent sévères. En 1986, Powell en rapportant une série de 9 cas, avait déterminé les principales caractéristiques cliniques de cette entité et donné à ce syndrome la nomination de « Food protein-induced enterocolitis » ou en français SEIPA [7].
Six enfants présentant un syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) ont été répertoriés dans les services de pédiatrie de la polyclinique El Rapha à Libreville et du Centre hospitalier de Roubaix sur une période de 7 ans. Nous rapportons ces observations dans le but d’illustrer les difficultés diagnostiques et thérapeutiques.
Observations :
Patient 1
Nourrisson de sexe masculin, âgé de 2 mois, né à Libreville, à terme et eutrophe, nourri par un substitut de lait maternel (lait 1er âge), est hospitalisé pour selles liquides, abondantes, avec vomissement et déshydratation. Dans ses antécédents, on note une d’infection materno-foetale, et deux épisodes de selles liquides et de vomissement traité de manière ambulatoire. A l’examen clinique, il est hypotonique, léthargique, moyennement coloré, dénutri, avec un pli cutané de déshydratation franc et une absence de prise de poids. Le bilan biologique montrait une hyperleucocytose à 24 800/mm3 normes (3500 à 10000/mm3) dont 6 000 polynucléaires (normes 2000 à 7500/mm3), 800 éosinophiles (normes 0 à 500/mm3) et 16 600 lymphocytes (normes 1000 à 4000/mm3), une hémoglobine à 10,4 g/dl (normes 12 à 18 g/dl), une thrombocytose à 817 000/mm3 (normes 150000 à 400000/mm3), une natrémie à 151 mEq/l (normes 130 à 145) une kaliémie à 3,1 mEq/l (normes 3,6 à 5,6), une chlorémie à 121 (normes 96 à 110), une fonction rénale normale. Le diagnostic de gastroentérite virale est évoqué et la prise en charge consistait en une hyperhydratation à base de sérum salé isotonique à 120 ml/kg/j avec des électrolytes (sodium à 3 mEq/kg/j et potassium à 2 mEq/kg/j), à l’administration du Racécadotril 10 mg (inhibiteur de l’enképhalinase intestinale) à la dose d’un sachet trois fois par jour et du Lactobacillus LB (Lactéol® un demi sachet trois fois par jour). Il est également mis sous un lait sans lactose. On observait la correction de la déshydratation, la disparition des vomissements sans modification de l’aspect des selles qui devenaient glairo-sanguinolentes. A la demande de la famille, le nourrisson est transféré en France (Roubaix) pour « confirmation diagnostique » et poursuite de la prise en charge. A l’arrivée, il présentait une asthénie modérée, un assez bon état d’hydratation, des selles toujours liquides. Le bilan biologique montrait le lactate à 2,8 mmol/l (normes < 2,1), la CRP à 18 mg/l (normes < 6), une ammoniémie à 98 μmol/l (normes <100), un pH à 7,35 (normes 7,35 à 7,45), PCO2 à 26 mmHg (normes 35 à 45), un taux de bicarbonate à 15 mmol/l (normes 22 à 28 mmol/l), des base excess à -10 mEq / L (normes -2 à +2) et l’ionogramme urinaire sans arguments pour une tubulopathie. Les IgE contre les protéines du lait de vache retrouvaient l’alpha lactalbumine à 0,36 KU/l, la bétalactoglobuline à 0,16 KU/l et la caséine inférieure à 0,1 KU/l (normes inférieures à 0,1 KU/l). L’évolution permet de noter la persistance d’une acidose métabolique (pH à 7,25, PCO2 à 28 mmHg, base excess à -14, bicarbonates à 13 mmol/l) avec un trou anionique négatif et la normalisation de l’ammoniémie sous réhydratation par voie périphérique. Le reste du bilan métabolique se révèle normal (chromatographie des acides aminés sanguins et urinaires, chromatographie des acides organiques, profil des acyl carnitine, test de la sueur). Le diagnostic de syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires avec probable allergie aux protéines de lait de vache est évoqué. Sous arrêt alimentaire total et réhydratation parentérale exclusive, il est noté une normalisation de l’aspect des selles, consolidée après réalimentation par une solution d’acides aminés (Neocate®).
Patient 2
Il s’agit d’un nouveau-né de sexe féminin, eutrophe, sans antécédents particuliers, recevant dès le 1er jour de vie, un substitut de lait maternel (lait 1er âge). Elle présente au 5ème jour de vie, une diarrhée caractérisée par 10 selles aqueuses par jour, non sanglantes entraînant une déshydratation et une léthargie. Le bilan biologique met en évidence essentiellement une hyperleucocytose à 31500/mm3 (normes chez le nouveau-né 5000 à 25000/mm3) avec 12300 polynucléaires neutrophiles (normes 2000 à 7500/mm3), 1300 éosinophiles (normes 0 à 500/mm3) et 9100 Lymphocytes (normes 1000 à 4000/mm3), une natrémie à 149 mEq/l (normes 130 à 145), une kaliémie à 6,1 mEq/l (normes 3,6 à 5,6), une Chlorémie à 126 normes 96 à 110) et un taux de bicarbonate à 7 mEq/l (normes 22 à 28 mmol/l). Le dosage des IgE spécifiques contre les protéines du lait de vache se révèle négatif. La CRP et la coproculture étaient négatives. Après 10 heures de réhydratation par voie intraveineuse apportant 120 ml/kg/j de sérum glucosé isotonique avec électrolytes, le contrôle du bilan montre une natrémie à 146 mEq/l, une kaliémie à 6 mEq/l, une chlorémie à 124 et des bicarbonates à 5 mEq/l. Le bilan rénal était perturbé avec urée à 0,64 g/l (normal 3,5 à 8) et créatinine à 2 mg/l (normal 18 à 80). Le pH à 7,04 (normes 7,35 à 7,45) confirmait l’existence d’une acidose majeure avec une PCO2 à 30 mmHg (normes 35 à 45) et un base déficit à -22 mEq/L (normes -2 à +2). Après mise en arrêt alimentaire et mise sous nutrition parentérale par voie centrale, il est proposé une réalimentation avec un hydrolysat de protéines du lait de vache (Peptijunior®). Cette reprise alimentaire entraîne une réduction de la fréquence des selles qui restent diarrhéiques. Une introduction de solution d’acides aminés (Neocate®) est entreprise et entraîne une normalisation du transit. Après diversification alimentaire : fruits, légumes, protéines (viande, poissons, oeufs), l’enfant conserve une croissance normale et un comportement alimentaire correct. Il est donc retenu l’hypothèse d’une allergie aux protéines du lait de vache et aux hydrolysats de protéines de lait de vache de mécanismes non IgE médié. L’évolution est marquée par la réalisation de Prick et RAST anti protéines du lait de vache à l’âge de 12 mois qui se révèlent négatifs, et la réalisation d’un test de provocation par voie orale (prise cumulée de 290 ml de lait de vache) en hôpital de jour sous surveillance clinique et monitoring cardiorespiratoire à l’âge de 15 mois. Cette épreuve s’est soldée par l’apparition de 4 vomissements et 5 selles diarrhéiques, sans gêne respiratoire ni trouble hémodynamique ou neurologique résolutive après l’administration de corticoïde par voie intraveineuse (1 mg/Kg de Solumédrol®) et de réhydratation par voie parentérale. La sortie après 24 heures de surveillance est autorisée avec reprise du Neocate®. Le diagnostic de SEIPA était finalement confirmé.
Patient 3
Nouveau-né de sexe masculin, né à terme, sans antécédents particuliers, hospitalisé à J11 de vie pour ictère néonatal persistant dans un contexte de tests génétiques en faveur d’une maladie de Gilbert. Il était mis sous un allaitement mixte et présentait des difficultés alimentaires avec une diarrhée aqueuse responsable d’une dénutrition et d’une mauvaise prise de poids. Les parents re consultaient pour persistance de la diarrhée devenue sanglante et l’enfant présentait un état de choc avec un pH à 6, 90 (normes 7,35 à 7,45) et une lactatémie à 3,45 mmol/L (norme < 2,1). La CRP était à 8 mg/L (norme <6 mg/l) et une hyperleucocytose était notée. Les IgE spécifiques aux protéines de lait de vache étaient positives. L’évolution était favorable après mise au repos digestif et réhydratation parentérale. La tentative de réintroduction du lait 1er âge était un échec avec récidive de la diarrhée profuse. Le transit se normalisait sous régime sans protéines du lait de vache et alimentation par préparation à base d’acides aminés (Neocate®). Le diagnostic de SEIPA était confirmé.
Patient 4
Nouveau-né de 5 jours, de sexe féminin, sans antécédents particuliers, nourrie par un lait artificiel présentait rapidement une diarrhée aqueuse avec déshydratation. Son bilan sanguin mettait en évidence une hyperleucocytose à 30 000/mm3 (normes chez le nouveau-né 5000 à 25000/mm3), une CRP négative et un pH à 7,04 (normal 7,35 à 7,45). Le dosage des IgE spécifiques aux protéines de lait de vache était négatif. Après arrêt alimentaire et réhydratation parentérale, la reprise alimentaire par hydrolysat extensif puis préparation à base d’acides aminés, permettait de normaliser le transit. Un test de provocation orale réalisé à l’âge de 15 mois s’est soldé par l’apparition de plusieurs vomissements et des selles diarrhéiques quelques heures après l’administration du lait artificiel, motivant la reprise de la préparation à base d’acides aminés, jusqu’à l’âge de 2 ans et demi auquel la réintroduction des protéines du lait de vache a été possible.
Patient 5
Nouveau-né de 22 jours, de sexe féminin, sans antécédents particuliers, nourrie par un lait 1er âge, était hospitalisé pour une diarrhée liquide évoluant depuis la naissance. A l’examen on notait une déshydratation avec un pli cutané franc et un enfoncement des globes oculaires, une léthargie, et un infléchissement de la courbe pondérale. Le bilan biologique notait essentiellement une CRP élevée à 150 mg/L, une glycémie à 0,73g/L, un pH à 7,21(normes 7,35 à 7,45) et une lactatémie à 2,5 mmol/L (norme < 2,1). Les IgE spécifiques contre les protéines du lait de vache étaient positives. Les prélèvements infectieux revenaient négatifs. L’amélioration clinique était nette sous hydrolysat extensif. On observait une disparition totale des signes et une reprise de la croissance après éviction des protéines du lait de vache et la mise sous une préparation à base d’acides aminés (Neocate®).
Patient 6
Un garçon de 7 mois sans antécédents allergiques, qui avait reçu un allaitement maternel exclusif suivi d’une diversification à partir de l’âge de 6 mois était reçu aux urgences pour des vomissements importants 2 h après l’ingestion de poulet cuit. A l’admission, il présentait un tableau léthargique avec troubles de la vigilance et des vomissements répétés. La glycémie après l’admission était à 2,90g/L (normes 0,4 à 1), la lactatémie de 3 mmol/L (norme < 2,1) et le pH à 7,39 (normes 7,35 à 7,45). L’évolution était marquée par l’apparition d’une diarrhée profuse avec présence de sang dans les selles. Le même tableau clinico-biologique s’est reproduit en cours d’hospitalisation après consommation du même type de repas. Les prick tests et IgE spécifiques pour le poulet et l’oeuf de poule se sont révélés négatifs. L’évolution s’est avérée satisfaisante après éviction de ces aliments faisant évoquer le diagnostic de SEIPA.
Discussion
Les allergies alimentaires sont très fréquemment signalées et décrites, cependant seuls ceux impliquant des mécanismes immunologiques (IgE médiée ou non), peuvent être définies comme de vraies allergies alimentaires. La prévalence des allergies alimentaires est mal estimée et varie selon les pays. En Europe, la prévalence globale déclarative des allergies alimentaires est estimée à 5,9 % et passe à 0,9 % lorsqu’un aliment est identifié [8]. De même, l’incidence réelle du SEIPA n’est pas connue [9]. Une étude de cohorte sur 2 ans en Israël rapporte une prévalence pour le SEIPA dans la 1ère année de vie et pour allergie au lait de vache médiée par les IgE respectivement de 0,34 % et 0,5 %. En Australie, une incidence de 1/10 000 cas par an était observée pour tous les différents aliments testés [10,11]. Cette faible incidence est probablement sous-estimée en raison de problèmes méthodologiques, mais surtout de la méconnaissance de la pathologie car le SEIPA est une forme d’allergie aux protéines alimentaires encore méconnue par les praticiens. Seulement 200 cas environ étaient répertoriés dans la littérature en 2011, [12,13] depuis les 1ères observations de Rubin en 1940 et Gryboski en 1967, décrivant pour la première fois une colite induite par le lait chez les enfants hospitalisés. L’état de ces enfants avait été amélioré par un régime sans protéines de lait de vache et 7 enfants d’entre eux avaient développé un choc avec collapsus cardiovasculaire après un test de réintroduction [2, 1, 14]. De nombreux autres aliments ont été identifiés comme pouvant être responsables de SEIPA tels que le soja, le poisson, l’oeuf, la volaille, le boeuf, les crevettes, le riz, l’avoine, les légumineuses, les cucurbitacées, le brocoli [14,15]. Curieusement, le lait de mère est actuellement aussi incriminé dans la survenue du SEIPA chez certains enfants [16]. Dans notre série, le lait de vache est l’aliment déclencheur sauf chez notre 6ème patient où le poulet est incriminé. En effet, les protéines du lait de vache constituent l’aliment déclencheur le plus observé dans la littérature [3]. Un aliment unique est déclencheur dans 60 à 70 % de cas, 3 aliments dans environ 20 % – 30 % des cas et plus de 4 aliments dans environ 10 % [4,9]. La physiopathologie du SEIPA est encore partiellement comprise [17], il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité à médiation cellulaire (non IgE médié). La réponse immunitaire aux antigènes dans le tractus gastro-intestinal impliquerait principalement l’activation des cellules T. Cette activation entraine la sécrétion de cytokines proinflammatoires qui vont influencer de manière significative l’intégrité de la barrière intestinale lors d’une exposition à l’antigène. Cette inflammation locale peut être médiée par les mononucléaires périphériques activés, elle augmente l’expression de TNF-α et diminuer les récepteurs du TGF-β dans la muqueuse intestinale. Ceci a pour conséquence, une augmentation de la perméabilité intestinale et contribue très probablement à l’afflux des antigènes à travers la barrière intestinale, avec éventuellement une activation des lymphocytes. Cette expression de TNF-α joue un rôle primordial dans la physiopathologie des symptômes de cette entité [10,17,18]. Sur le plan clinique, l’âge médian du 1er épisode se situe à 4 mois pour le lait de vache et 9 mois pour les aliments solides. Au diagnostic, les âges médians sont respectivement de 10 et 17 mois. Les symptômes apparaissent 1 à 4 semaines suivant l’introduction des protéines responsables et se manifestent 1 à 3 heures après l’ingestion de l’aliment [6,11,17]. Dans notre série, le début des symptômes s’observait plus tôt, dans la période néonatale sauf chez notre 6ème patient, qui était allaité exclusivement au lait de mère pendant les 6 premiers mois de vie et dont les symptômes apparaissaient qu’au moment de la diversification alimentaire par l’introduction de l’allergène (poulet). Le diagnostic de la SEIPA est difficile et le plus souvent tardif en raison de l’absence de biomarqueurs spécifiques d’une part et devant l’existence de multiple phénotypes d’autre part. Le danger étant de porter trop rapidement le diagnostic de SEIPA et de prescrire des régimes d’éviction prolongés inutiles et parfois délétères [11]. Ce diagnostic est clinique, principalement basé sur des manifestations typiques, après exclusion d’autres causes. Actuellement, il n’y a aucun critère de diagnostic entièrement validé et la symptomatologie associe : vomissements alimentaires, diarrhée parfois glairo-sanglante, déshydratation, distension abdominale, léthargie, acidose métabolique et hyperlactacidémie aiguë, avec parfois un tableau septique caractérisé par fièvre ou hypothermie. On note une absence d’urticaire ou d’oedème [11,17,19]. Selon les recommandations internationales [19], ces signes organisés en critères majeurs et mineurs, devraient réapparaitre à la réexposition de l’enfant à l’allergène incriminé. Le critère majeur est le vomissement 4 heures après l’ingestion de l’aliment suspect en l’absence de signe cutané ou respiratoire IgE médiée. Les critères mineurs sont constitués de plus de 2 épisodes de vomissements répétés après la reprise de l’aliment suspect, de vomissements répétés 1 à 4 heure après l’ingestion d’un autre aliment, de léthargie, de pâleur, d’une notion de consultation en urgence, de perfusion IV, de diarrhée dans les 24 heures, d’hypotension et d’hypothermie. Un critère majeur et au minimum 3 critères mineurs font évoquer le diagnostic de SEIPA. L’affection sera dite mineure si on observe 1 à 2 épisode de vomissement sans léthargie, modérée si on a plus de 3 épisodes de vomissements avec une hypotonie modérée et sévère si on a plus de 3 épisodes de vomissements avec une léthargie, une hypotonie, et une cyanose [19]. Nos patients ont tous présenté des signes digestifs associant des vomissements alimentaires, une diarrhée aiguë parfois glairosanglante, une déshydratation, une distension abdominale, une léthargie, une acidose métabolique et une hyper lactacidémie. La forme sévère était la forme la plus observée dans notre étude. Ces signes cliniques composant les critères de diagnostic de la SEIPA ne sont pas spécifiques à la maladie et sont fréquemment rencontrés en médecine pédiatrique et néonatale. En leur présence, plusieurs autres diagnostics (infections bactériennes ou virales, métaboliques, allergiques et génétiques) peuvent être aisément évoqués et constituent d’ailleurs les diagnostics différentiels de cette affection [20]. Ceci justifie le fait que le diagnostic du SEIPA soit presque toujours retardé comme nous l’avons bien observé dans notre série. L’existence ou non de facteurs de risque à la survenue du SEIPA est mal renseignée dans la littérature, mais on peut y lire : la naissance par césarienne, les antécédents d’atopies familiales (40-80% de cas), les antécédents familiaux de SEIPA (6% de cas), une légère prédominance masculine. On n’a pas trouvé de lien avec l’âge gestationnel, l’âge maternel, le nombre de frères et soeurs, la consommation de produits laitiers maternelle ou l’âge à l’introduction des protéines de lait de vache [13,9]. Le lien entre ces facteurs de risque et la survenue du SEIPA est très controversé et n’a pas été significativement observé dans notre étude. Sur le plan biologique, il n’existe pas d’élément en faveur d’une allergie IgE-médiée, les PRICK tests et les IgE spécifiques sont négatifs dans la grande majorité des cas. Les Atopy patch test sont peu contributifs [4-6]. En effet, le SEIPA ne s’accompagne généralement pas de sensibilisation IgE médiée pour l’aliment. Mais dans les formes atypiques, il est retrouvé une sensibilisation IgE visà-vis de l’aliment. Dans ces formes, classiquement, le délai de guérison est plus tardif et il est possible de voir apparaitre une sensibilisation IgE secondairement dans 24% des cas [21,22]. Une sensibilisation IgE vis-à-vis de du lait de vache était observée chez 2 de nos patients. Le diagnostic repose finalement sur la clinique, confirmé par la réalisation d’un test de provocation par voie orale (TPO) réalisé en milieu hospitalier sous couvert d’une surveillance rigoureuse. Il s’agit d’ingérer l’aliment incriminé avec des quantités croissantes jusqu’à la dose habituellement consommée, ce qui entraînera une apparition de vomissements entre 1 et 3 heures, une apparition de diarrhée après environ 5 heures avec une présence de sang, de leucocytes et éosinophiles dans les selles et une augmentation des polynucléaires sanguin supérieure à 3500/mm3 entre H0 et H6. Ce TPO est l’examen de référence pour authentifier une allergie alimentaire, et il est effectué systématiquement pour tester l’acquisition de la tolérance dans le SEIPA qui doit apparaitre à un âge moyen de 2 à 3 ans sous régime d’exclusion des protéines incriminées [4,5,17]. Le traitement immédiat n’est pas spécifique et est symptomatique, basé sur un remplissage vasculaire avec des cristalloïdes, une corticothérapie en intra veineuse et parfois l’injection d’adrénaline par voie intramusculaire selon la gravité des signes. Mais il repose surtout sur l’éviction de l’aliment déclencheur et des conseils aux parents pour éviter les aliments concernés lors des différents repas [4,19,22].
Conclusion
Le SEIPA est une forme d’allergie aux protéines alimentaires pas encore très bien connue. Son diagnostic est difficile, le plus souvent tardif, en rapport avec le fait qu’il n’existe pas de symptômes ni de tests allergologiques spécifiques à la maladie. C’est une pathologie qu’il ne faut pas méconnaitre car elle peut être potentiellement grave si la prise en charge n’est pas adaptée et l’aliment déclencheur rapidement supprimé.
Conflits d’intérêts
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt
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