Napo A1,3*, Assoumou P2, Mba Aki T2, Guirou N1, Sidibe M3, Conare I3, Wolf B3, MAuget Faysse M3, Le Mer Y3.
1: Institut d’Ophtalmologique Tropicale de l’Afrique
2: Département d’ophtalmologie, Faculté de Médecine, Université des Sciences de la Santé, Gabon
3. Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild
Auteur correspondant: NAPO Abdoulaye; Institut d’Ophtalmologie Tropicale de l’Afrique
Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild; Service du Professeur José Alain SAHEL
25-29, rue Manin;75019-PARIS; E-mail : napoabdoulaye48@yahoo.fr
Résumé
Introduction: L’ophtalmie sympathique est caractérisée par une panuvéite granulomateuse bilatérale survenant dans les suites d’une chirurgie itérative ou d’un traumatisme oculaire. Nous rapportons deux cas d’ophtalmie sympathique dans un centre tertiaire.
Patients et méthodes: Tous les patients ont bénéficié d’un examen ophtalmologique complet, d’une échographie oculaire bidimensionnelle et d’une Tomographie en cohérence optique (OCT). Le bilan étiologique consistait à f a i r e des examens biologiques, un audiogramme et un s c a n n e r sur indication du service médecine interne. Le diagnostic de l’ophtalmie sympathique fût évoqué devant u ne bonne récupération et stabilisation clinique du patient sous bolus de corticostéroïdes en 10 jours de traitement.
Cas 1: Patiente caucasienne de 60 ans, qui a consulté pour une baisse d’acuité visuelle des deux yeux. L’examen ophtalmologique complet avait mis en évidence des signes d’une panuvéite bilatérale après une triple chirurgie vitréo- rétinienne des deux yeux associant des tâches blanches auto fluorescentes en ophtalmoscopie directe. Le diagnostic d’ophtalmie sympathique fût suspecté devant les images de l’OCT et conforté après amélioration sous corticothérapie.
Cas2 : Patient mélanoderme de 56 ans, qui avait consulté aux urgences pour une baisse de l’acuité visuelle des deux yeux après une phacoémulsification à l’oeil gauche et une double trabéculectomie à l’oeil droit. Le diagnostic d’ophtalmie sympathique a été évoqué devant l’aspect clinique caractéristique et une réponse favorable aux corticoïdes.
Discussion: La survenue d’une panuvéite granulomateuse bilatérale après une chirurgie oculaire et la réponse favorable après une corticothérapie sont des éléments en faveur du diagnostic d’ophtalmie sympathique qui reste un diagnostic d’élimination.
Conclusion: L’ophtalmie sympathique est une étiologie rare d’uvéite granulomateuse bilatérale et difficile à gérer par l’ophtalmologiste. Son pronostic est meilleur après une prise en charge précoce par anti-inflammatoires et/ou par immunosuppresseurs.
Mots clés: Ophtalmie sympathique, uvéite, corticoïdes et immunosuppresseurs
Abstract
Introduction: Sympathetic ophthalmia is characterized by granulomatous panuveitis after iterative surgery or ocular trauma. We report two cases of sympathetic ophthalmia.
Patients and methods: All patients underwent complete ophthalmologic examination, B-mode ultrasound and OCT. Etiologic assessment consisted in taking samples of the eye, audiogram and scanner on the advice of internal medicine. Diagnosis of sympathetic ophthalmia was evoked after a good recovery and stabilization under bolus corticosteroids per 10 days.
Case 1: Caucasian, 60 years old, search for blindness eye. Bilateral uveitis after triple vitreoretinal surgeries on two eyes associating white fluorescent white patches in ophthalmoscopy. The diagnosis was suspected in front of OCT and confirmed after improvement under corticosteroid therapy.
Case 2: Patient melanoderm, 56 years, consulted for a reduction of visual acuity after a phakoemulsification and a double trabeculectomies to two eyes. Diagnosis was referred to characteristic clinical aspect and a favorable response to corticosteroids.
Discussion: Occurrence of bilateral uveitis after ocular surgery and favorable after corticosteroid therapy are favorable for the diagnosis of sympathetic ophthalmia which remains a diagnosis of elimination.
Conclusion: Sympathetic ophthalmia is a rare etiology of uveitis and difficult to management. His prognosis is better after a treatment by anti-inflammatory and / or immunosuppressive.
Keywords: Sympathetic ophthalmia, uveitis, corticosteroids and immunosuppressive.
Introduction
L’ophtalmie sympathique est une maladie rare, caractérisée par une panuvéite granulomateuse bilatérale [1]. Elle est grave et potentiellement cécitante en cas de bilatéralité. La chirurgie itérative et le traumatisme oculaire en sont des facteurs favorisant [2]. Son incidence est variable d’un pays à l’autre, cependant au Royaume Uni et en République d’Irlande, elle est de l’ordre de 0,03 /100 000 habitants[3,4]. La chirurgie vitréorétinienne est le principal facteur de risque de l’ophtalmie sympathique [2] surtout avec sa recrudescence liée aux récents progrès des techniques de microchirurgie oculaire. Aussi, sa physiopathologie n’est pas encore clairement élucidée, mais la réaction d’hypersensibilité autoimmune dirigée contre les mélanocytes de la choroïde semble en être la plus probable[5].Son diagnostic est fondé sur les antécédents de traumatisme oculaire ou de la chirurgie oculaire e t des critères Cliniques et caractéristiques de la panuvéite mais toutefois, elle reste un diagnostic d’élimination. Le pronostic est meilleur après une prise en charge précoce et bien conduit par des corticoïdes et/ou par des immunosuppresseurs et l’énucléation reste controversée [6]. Nous présentons deux cas d’ophtalmie sympathique de contexte et de survenue différents mais qui répondent toutes aux corticostéroïdes. Si le premier confirme le risque d’uvéite granulomateuse après chirurgie vitréorétinienne, le second est survenu après une chirurgie filtrante pour glaucome, une première à notre connaissance.
Patients et méthodes
Tous les patients ont bénéficié d’un examen ophtalmologique complet, d’une échographie oculaire bidimensionnelle et d’une Tomographie en cohérence optique. Le bilan étiologique consistait à faire des examens biologiques, un audiogramme et un scanner sur indication du service médecine interne. La corticothérapie était le traitement de choix en première intention assortis d’une surveillance régulière dans les deux cas.
Observations
Cas1: Il s’est agi d’une patiente caucasienne de 60 ans, aux antécédents de forte myopie qui a consulté pour une baisse d’acuité visuelle aux deux yeux. A l’examen, la fonction visuelle était réduite à voit bouger la main à l’oeil droit et 1/20 à l’oeil gauche. A la biomicroscopie, on notait des signes d’inflammations de l’uvée antérieure avec des précipités rétro descemetiques et un tyndall cellulaire d’une croix dans la chambre antérieure sans hypopion dans les deux yeux. La pression oculaire était normale. Le fond oeil des deux yeux, mettait en évidence une choroïdose myopique et des tâches blanches auto fluorescentes plus larges en périphérie qu’au centre. L’OCT a révélé une fibrose sous rétinienne à l’oeil droit et un décollement séreux rétinien avec un épaississement nodulaire en avant de la membrane basale dit nodule de Dalen-Fuchs associé à des points hyper réflectifs choroïdien à l’oeil gauche. L’angiographie au vert d’indocyanine a montré une hyper sénescence des vaisseaux choroïdiens sans fuite pariétale dans les yeux et une hypo sénescence des tâches tout au long de la séquence contre une hyper fluorescence à l’angiofluorescéine à l’oeil gauche (figure 1 : A, B, C et D).
Figure 1: Fibrose rétinienne et sous rétinienne (A), Décollement séreux en temporal avec des nodules de Dalen-Fuchs et des points hyper réflectif choroïdiens (B) et Tâches auto fluorescentes (C), Hyper sénescence des vaisseaux choroïdiens et hypo sénescence des tâches (D)
Devant ce tableau de panuvéite bilatérale, le bilan étiologique inflammatoire, infectieux avec des examens biologiques, un audiogramme et un scanner sur indication du service médecine interne est revenu négatif. Le diagnostic de l’ophtalmie sympathique fût suspecté devant l’aspect caractristique des nodules de Dalen-Fuchs, l’hyper sénescence des vaisseaux choroïdiens et l’absence de cause étiquetée. Elle a été ensuite confortée par l’amélioration clinique avec régression complète des nodules de Dalen-Fuchs chez la patiente sous corticothérapie après 10 jours de traitement (figure 2: A et B), mais surtout s o n h i s t o i r e ophtalmologique qui nous a renseigné sur les antécédents de triple c h i r u r g i e vitréo-rétinienne auparavant pour trou maculaire et ensuite pour décollement de rétine à l’oeil gauche.
Figure 2: Coupes OCT avant traitement (A) et après corticothérapie (B)
Cas2: Patient mélanoderme de 56 ans, q ui avait consulté aux urgences pour une baisse de l’acuité visuelle à l’oeil gauche rapidement progressive en 3 jours. Il était à 24 heures d’une phacoémulsification de l’oeil gauche et à 1 mois d’une double trabéculectomie reprise une fois à l’oeil droit, sans antécédent médical particulier. A l’admission, l’acuité visuelle était réduite à la perception lumineuse à l’oeil droit et 1/20 à l’oeil gauche. L’examen à la lampe à fente montrait des précipités retro descemetiques avec quelques cellules inflammatoires en chambre antérieure dans les deux yeux sans hypopion. La pression oculaire était normale. Le fond oeil a montré un décollement séreux rétinien au centre sans hyalite à l’oeil gauche et non analysable à l’oeil droit dû à l’oedème de cornée d’origine mécanique et à la présence de la membrane cyclitique. A l’échographie bi dimensionnelle, on a noté un décollement séreux rétinien et choroïdien à l’oeil droit et à l’oeil gauche, la tomographie en cohérence optique confirme le décollement séreux maculaire associé à un épaississement en avant de la membrane basale et une hyper fluorescence des vaisseaux choroïdiens à l’angiographie à la fluorescéine (figure 3 : A et B).
Devant ce tableau, les hypothèses infectieuses endogènes et/ou exogènes et celle de maladies d e système furent suspectées avec la notion de séjour en Afrique et les antécédents de chirurgie oculaire. Le bilan étiologique institué comprenant avec des examens biologiques, un audiogramme et un scanner revint négatif. Cependant, le diagnostic de l’ophtalmie sympathique fût évoqué devant une bonne récupération et stabilisation du patient sous bolus de corticoïdes après un traitement de 10 jours.
Figure 3: Décollement séreux maculaire avec des nodules de Dalen-Fuchs (A), Hyper fluorescence
angiographique des vaisseaux choroïdiens (B)
Discussion
Dans les deux cas présentés, la survenue d’une uvéite bilatérale après une chirurgie oculaire et la réponse favorable par corticothérapie sont des éléments en faveur du diagnostic d’ophtalmie sympathique. La chirurgie oculaire, notamment celle de la rétine quel que soit la technique utilisée est pourvoyeuse d’ophtalmie sympathique plus que les traumatismes oculaires pénétrantes [3,4]. Par ailleurs, de nombreux cas ont été rapporté dans la littérature après une vitrectomie transconjonctivale 20 ou 23 gauge avec ou sans fermeture des sites de sclérotomies [1,2,5]. Notre premier cas souligne également cette circonstance classique de survenue, toutefois l’ophtalmie sympathique considérée comme pathologie rare, pourrait voir son incidence augmenter ces prochaines années avec la recrudescence de la chirurgie vitréo-rétinienne[7]. Le tableau clinique classique d’une ophtalmie sympathique est une uvéite granulomateuse bilatérale, qui survient dans les suites d’une chirurgie d’une plaie transfixiante ou d’un traumatisme oculaire. Elle touche deux fois plus chez les hommes que les femmes et serait liée à la plus grande fréquence des traumatismes oculaires chez ces premiers [8]. Cependant avec les récents progrès dans la microchirurgie oculaire, les vitrectomies 25 et 27 gauge réduisent théoriquement l’inflammation post opératoire par conséquent le risque d’ophtalmie sympathique [9-11]. Bien que la physiopathologie ne soit pas clairement élucidée, une réaction d’hypersensibilité auto-immune dirigée contre les antigènes oculaires dans l’oeil traumatisé et sympathisant semble en être probable [12,13]. Elle peut être liée au prolapsus de l’uvée à travers des plaies sclérales suturées4. Cette hypothèse pourrait expliquer notre deuxième cas si l’on considère la bulle de filtration comme une plaie sclérale. L’évolution de l’ophtalmie sympathique est très variable, mais son pronostic est très sévère malgré le progrès thérapeutique récent qui utilise la corticothérapie et les immunosuppresseurs additifs. Nos deux cas ont bien répondu à la corticothérapie avec une bonne récupération anatomique.
Conclusion
L’ophtalmie sympathique est une étiologie rare d’uvéite granulomateuse bilatérale. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination, difficile à gérer par l’ophtalmologiste à cause de son tableau clinique d’emblée sévère et de son retard diagnostic. Son traitement doit être également instauré le plus précocement possible par la corticothérapie en première intention et les immunomodulateurs en appoint si la corticothérapie seule ne suffit pas à contrôler l’inflammation. Cependant, l’incidence de cette pathologie pourrait connaître un essor dans les années à venir au vu de la multitude d’indications de la vitrectomie. Il serait donc nécessaire de rappeler aux chirurgiens que la fermeture rapide et soigneuse de toute plaie réduit le risque d’ophtalmie sympathique. Compte tenu du pronostic visuel variable de l’oeil sympathisant, le traitement chirurgical est controversé car le bénéfice d’une énucléation ou d’une éviscération tardive n’a pas été démontré. En l’absence de traitement, le pronostic visuel est sombre car l’ophtalmie sympathique évolue vers la cécité bilatérale.
Conflit d’intérêt: les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
Références
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6. Lopes N, F reire S , C ampos R , e t al. Ophtalmie sympathique: A propos d’un cas Clinique. Journal Fr d’ophtalmologie 2008;31(1):192.
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10. Eckardt C. Transconjunctival sutureless 23-gauge vitrectomy. Retina 2005;25(2):208–211.
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12. Cha D , W oo S , Ahn J , e t a l. A c ase o f sympathetic ophthalmia presenting with extraocular symptoms and conjunctival pigmentation after repeated 23-gauge vitrectomy. Ocul Immunol Inflamm 2010;18(4):265–7.
13. Haruta M, Mukuno H, Nishijima K, et al. Sympathetic ophthalmia after 23-gauge transconjunctival sutureless vitrectomy. Clin Ophthalmol 2010;4:1347-9.