UN MYXOME DE L’OREILLETTE GAUCHE REVELE PAR UNE INSUFFISANCE CARDIAQUE : A PROPOS D’UN CAS

Ndirahisha E1, Baransaka E1, Nyanwi J2, Nyandwi R3, Barasukana P4, Manirakiza S5, Ndabashinze P6

1. Centre hospitalo-universitaire de Kamenge, département de cardiologie
2. Centre hospitalo-universitaire de Kamenge, département de néphrologie
3. Centre hospitalo-universitaire de Kamenge, département de Laboratoire
4. Centre hospitalo-universitaire de Kamenge, département de neurologie
5. Centre hospitalo-universitaire de Kamenge, département d’imagerie
6. Centre hospitalo-universitaire de Kamenge, département de pédiatrie

Correspondance : Dr Eugène Ndirahisha, téléphone : (257) 79 427 718 ; E-mail : kabandaeugene@yahoo.fr

 

Résumé

Nous rapportons un cas clinique d’une jeune femme de 31 ans, qui a consulté dans notre service de médecine interne pour une dyspnée d’effort. L’examen physique a retrouvé le tableau d’insuffisance cardiaque globale sur un souffle d’insuffisance mitrale. Le diagnostic de myxome de l’oreillette gauche a été retenu sur base d’échocardiographie. La patiente a bénéficié d’un traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque pour stabilisation. Le traitement curatif, obligatoirement chirurgical, n’a pas pu être fait à cause de l’insuffisance du plateau technique.

Mots clés: myxome, insuffisance cardiaque, oreillette gauche

 

Abstract

We report a case of a young woman of 31 years old, and who consulted for dyspnea in our service. The physical examination found a cardiac failure‘s picture on mitral deficiency murmur. The diagnostic of myxoma of the left atrium was noted according to echocardiography results. The patient received medical treatment of cardiac failure for stabilization. The surgical curative treatment was not possible because of lack of technical issu.

Key words: myxoma, cardiac failure, left atrium

 

Introduction

Les myxomes cardiaques sont les tumeurs primitives intracardiaques les plus fréquentes de l’adulte avec une fréquence de 0.5 par million d’habitants par an [1]. Ils représentent 50% des tumeurs cardiaques. Sa symptomatologie insidieuse rend souvent difficile son diagnostic jusqu’au stade de complications [2].
Nous rapportons le cas clinique d’un myxome de l’oreillette gauche (OG). Nous discutons ses aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques par le biais d’une revue de littérature.

 

Observation

Une jeune femme de 31 ans vivant à Mabayi, un village sise à 80 Km au nord de la ville de Bujumbura, a été reçue en consultation cardiologique le 6 juin 2018 pour une dyspnée stade III selon la classification de la NYHA (New York Heart Association). Il s’agissait d’une dyspnée d’aggravation progressive associée à une toux d’abord sèche puis productive sans fièvre. L’interrogatoire a révélé qu’elle avait eu cinq grossesses, cinq parités avec quatre enfants vivants. Elle n’avait pas d’antécédent cardiovasculaire ni de facteur de risque cardiovasculaire connu. L’examen physique avait noté une altération modérée de l’état général, la pression artérielle à 110/70 mm Hg (en position couchée) et 100/70 mm Hg (en position débout). La fréquence du pouls radial était estimée à 100 battements par minute. Son poids était de 45 kg pour une taille de 155 cm. Les conjonctives étaient bien colorées et la saturation en oxygène était de 95% à l’air libre. La langue était rose avec une dentition complète.
L’auscultation cardiaque retrouvait un souffle systolique au foyer mitral à type de jet de vapeur irradiant à l’aisselle gauche avec une intensité estimée à 3/6. L’auscultation pulmonaire a mis en évidence des râles crépitants aux deux bases pulmonaires. L’oedème des membres inférieurs prenant le godet, la turgescence jugulaire et le reflux hépato jugulaire étaient aussi retrouvés. Le reste de l’examen physique était sans particularités. L’électrocardiogramme a montré un rythme sinusal, régulier avec une fréquence cardiaque de 95 battements par minute. Les signes d’une hypertrophie atriale gauche étaient enregistrés. Les signes d’ischémie ou de lésions myocardiques étaient absents. La radiographie thoracique de face avait objectivé une cardiomégalie (index cardiothoracique à 0,61%) avec un aspect en double contours du bord droit du coeur.
A l’échocardiographie Doppler, il y avait la dilatation des oreillettes surtout la gauche. La cinétique globale et segmentaire était conservée avec une fraction d’éjection de 57%. Cet examen a mis en évidence une masse pédiculée de16 cm2 de surface, hétérogène avec un contour régulier. La masse était très mobile, appendue à la face atriale de la valve mitrale antérieure. Pendant la diastole, la masse traversait l’orifice mitral et pénétrait partiellement dans la cavité du ventricule gauche avec une obstruction partielle de l’orifice. Pendant la systole, elle était refoulée dans l’OG (voir myxome de l’OG : Figures 1 et 2).
Devant ce tableau d’insuffisance cardiaque, nous avons instauré un traitement standard d’insuffisance cardiaque associant un régime pauvre en sel, une éviction de tout effort physique, un diurétique de l’anse, un spironolactone et une anti coagulation préventive. Dans l’attente d’une éventuelle intervention chirurgicale à l’étranger, la patiente a été perdue de vue. Au total, il s’agissait d’un myxome de l’OG révélé par un tableau d’insuffisance cardiaque globale. Le traitement médical a été instauré pour stabiliser la patiente. Le traitement curatif, obligatoirement chirurgical, était problématique à cause de l’absence du plateau technique adéquat dans notre pays.

Discussion

La première description autopsique d’un myxome date de 1845 et le premier diagnostic clinique d’un myxome date de1952 [3]. Le traitement curatif est toujours chirurgical et c’est Craaford qui a pu faire la première exérèse en 1954 [3]. Il s’agit d’une tumeur rare représentant 0,5 à 1 % des tumeurs des tissus mous. Le myxome est de loin la plus fréquente des tumeurs cardiopéricardiques primitives bénignes et se localise à 91% des cas dans l’OG [2]. Dans notre observation, elle se situe dans l’OG appendue sur la face atriale de la valve mitrale antérieure. La localisation dans l’OG représente 75 à 90% des localisations des myxomes. La fixation se fait essentiellement sur le septum inter auriculaire [2, 3].
M’baye A et al. [4], dans leur observation d’une patiente de 30 ans, avaient trouvé une localisation dans l’oreillette droite. Notre patiente était de sexe féminin ce qui est en accord avec la prédominance féminine retrouvée dans la littérature [5]. D’après Nya F et al. [2], le myxome intracardiaque est une pathologie qui se caractérise par un très grand polymorphisme clinique qui peut engendrer un retard diagnostique et se complique d’accidents emboliques dans 10% des cas. Dans notre cas, le tableau clinique était celui d’une insuffisance cardiaque. Considéré apparemment comme cas isolé, il fait partie de ce polymorphisme clinique qui nous laisse penser que chaque symptomatologie cardiaque doit attirer l’attention du clinicien qui doit faire des investigations para cliniques. Nous avons posé le diagnostic par l’échocardiographie transthoracique. Ceci est en conformité avec les avis des auteurs car l’échocardiographie est un instrument de diagnostic sûr du myxome avec une sensibilité de 93,3% et une spécificité de 96,8% [2-5]. Le traitement symptomatique est fonction du tableau clinique et le traitement curatif est chirurgical [1-5]. L’aspect hyper mobile de la tumeur avec un impact hémodynamique est une indication de l’intervention chirurgicale d’urgence afin d’éviter le risque d’embolie [6]. Au cours du traitement chirurgical, on réalise une résection complète de la tumeur et de sa base d’implantation pour éviter tout risque de récidive [3]. Selon Denguir RM et al [7], la mortalité en post opératoire immédiat est nulle. Sur le plan fonctionnel, les patients sont asymptomatiques et il n’y a pas de communication inter auriculaire résiduelle [7]. La mortalité tardive est de 10% [7].
Pour Nya F et al. [2], la mortalité précoce est faible et est inférieure à 5 %. Cependant, l’évolution à long terme est grevée par le risque de récidive estimé entre 4 et 7% dans les formes sporadiques et jusqu’à 21% dans les formes familiales. Cette récurrence peut être totalement asymptomatique et justifie une surveillance rigoureuse par échographie cardiaque périodique [2].Notre patiente n’a pas pu subir l’intervention chirurgicale à cause de l’absence du plateau technique.

 

Conclusion

Bien que le myxome cardiaque soit une tumeur totalement bénigne, son tableau clinique peut être dramatique et mettre en jeu le pronostic vital du patient. Le diagnostic, difficile sur le plan clinique à cause de son polymorphisme, est facile à l’échocardiographie. Devant tout signe clinique orientant vers une insuffisance cardiaque, il faut toujours chercher un myxome à l’échocardiographie.

 

Références

1. Gregory SA, O’Byrne WT, 3rd, Fan P. Infected Cardiac yxoma. Echocardiography 2004;21:65–7.
2. Nya F, Atmani N, Seghrouchni A, et al. Myxome géant de l’oreillette gauche : A propos d’un cas. Research fr 2017; 4:2155.
3. Mleyhi S, Denguir R, Ghédira F, et al. Récidive du myxome de l’oreillette gauche : à propos d’un cas et revue de la littérature. Journal de Chirurgie Thoracique et Cardiovasculaire 2017 ;21(1) :1-7
4. Mbaye A, Yaméogo NV, Kane AD, et al. Un volumineux myxome de l’oreillette droite révélé par une insuffisance cardiaque droite. Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 2010;5(1):40-3.
5. Bakkali A, Sedrati M, Cheikhaoui Y, et al. Myxomes cardiaques (à propos de 23 cas opérés). Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 2009;58 (2): 94-8.
6. Guntheroth WG, Fujioka MC, Reichenbach DD. Spontaneous resolution of obstructive valvular tumors in infants. Am Heart J. 2002;143(5):868–72.
7. Denguir RM, Dhiab I, Meddeb N, et al. Les myxomes cardiaques. Prise en charge chirurgicale. A propos de 20 cas. Ann Card Angéiologie 2006;55(1):49-54.