E. Kuissi Kamgaing1,2, S. Minto’o2, Ekeghe N1, M. Mimbila Mayi2, J. Koko2, S. Ategbo1,2
1. Service de Pédiatrie CHU d’Angondjé. Akanda – Gabon
2. Département de pédiatrie Faculté de Médecine de Libreville, BP 4009 Libreville Gabon.
Auteur correspondant : Kuissi Kamgaing Eliane ; Tel : 07023971 / 06566722 ; Email : e.kuissi@gmail.com
RESUME
Introduction : La rougeole est une maladie virale grave, extrêmement contagieuse qui reste fréquente dans de nombreux pays du monde et constitue l’une des causes importantes de décès du jeune enfant alors qu’il existe un vaccin sûr et efficace. Traditionnellement décrite comme une maladie infantile, on observe actuellement un nombre anormalement élevé de rougeole chez les jeunes adultes, et le personnel médical n’est pas épargné. Nous décrivons 3 observations de rougeole chez des internes de pédiatrie.
Observation : trois internes de pédiatrie, âgés respectivement de 28, 27 et 26 ans, immunocompétents et insuffi- samment vaccinés contre la rougeole, ont présenté un tableau clinique caractéristique de la rougeole. Tous étaient contaminés à l’hôpital. L’évolution était marquée par l’apparition des complications à type de troubles neurologiques chez un étudiant et de troubles visuels chez les deux autres.
Conclusion : La réémergence de la rougeole nous interpelle sur la qualité de la vaccination en particulier sur l’importance de la seconde dose.
Mots – clés : adulte – Gabon –Libreville – nosocomiale – rougeole.
ABSTRACT
Introduction: Measles is a severe, highly contagious viral disease that is common in many countries of the world and is one of the important of deaths of young children causes while there is a safe and effective vaccine. Traditionally described as a childhood disease, there is an unusually high number of measles among young adults, and the medical staff is not spared. We describe 3 observations of measles in interns of Pediatric
Observations: three internal paediatric, respectively 28, 27 and 26 years of age, immune and insufficiently im- munized against measles, presented a characteristic clinical picture of measles. All were contaminated at the hospital. Evolution was marked by the appearance of complications in type of disorders in a student with Visual disorders in the other two.
Conclusion: The re-emergence of measles challenges us on the quality of vaccination in particular on the im- portance of the second dose.
Keywords: adult – Gabon – Libreville – nosocomial – measles.
INTRODUCTION
La rougeole est une maladie virale grave, conta- gieuse qui sévit habituellement de manière endémo- épidémique dans les pays en développement, mais aussi depuis peu dans les pays développés de ma- nière épidémique [1-3]. Elle constitue l’une des causes importantes de décès du jeune enfant alors qu’elle est l’une des principales maladies évitables car il existe un vaccin sûr et efficace [1]. Tradition- nellement décrite comme une maladie infantile, on observe actuellement un nombre « anormalement » élevé de cas de rougeole chez les adultes à cause de la baisse de l’immunité post vaccinale anti rougeo- leuse observée en général, et en particulier chez les adultes non vaccinés [4-6]. C’est la plus conta- gieuse des maladies infectieuses, et en absence de protection vaccinale, 90% à 100% des enfants d’une même famille et 50% des enfants d’une même classe sont infectés au contact d’un patient [7]. En effet, elle se transmet très facilement à toutes les personnes non vaccinées, pas bien vacci- nés ou chez celles qui n’ont jamais fait la maladie. Cette transmission aisée fait que ce soit une pathologie fréquemment observée chez le personnel médical lors des pics épidémiques en général, et en particulier chez les étudiants en médecine le plus souvent mal vaccinés [5].
Les services de pédiatrie étant des terrains de stage obligatoire, ils reçoivent de manière permanente ces étudiants. Nous décrivons 3 observations de rougeole avec complications chez trois étudiants de médecine en stage d’internat au service de pédiatrie des centres hospitalo-universitaires de Libreville (CHUL) et d’Angondjé (CHUA).
OBSERVATIONS
1. Patient 1
Mademoiselle D, 28 ans, sexe féminin, étudiante en 7ème année de médecine, vaccinée contre la rougeole à l’âge de 12 mois, sans dose de rappel, en stage d’internat au service des urgences pédiatriques du centre hospitalo-universitaire de Libreville (CHUL) et ayant été en contact avec trois enfants rougeoleux, présente une fièvre oscillant entre 39-40°C avec des céphalées et des poly arthralgies. Elle reçoit pour cela une automédication comprenant du paracétamol et de l’artéméther-luméfantrine. Au 3ème jour du traitement, sans amélioration notable, apparaît une asthénie importante, une toux dans un contexte toujours fébrile, nécessi- tant une hospitalisation. Les examens biologiques montrent des globules blancs (GB) : 9300/mm3 (normale entre 5000 et 10000/mm3) à formule mixte avec une légère prédominance lymphocytaire à 48 %, une goutte épaisse (GE) négative, une vi- tesse de sédimentation (VS) élevée à 105 mm à la 1ère heure et 180 à la 2ème heure (normale entre 4 mm et 8 mm à la 1ère heure). Le diagnostic de bronchopathie virale surinfectée est évoqué et elle reçoit comme traitement de l’amoxicilline + acide clavulanique et un antipyrétique.
Au 1er jour d’hospitalisation (J4 du début de la maladie), en plus de la fièvre qui persiste, apparait une hyperémie conjonctivale, une rhinorrhée, une odynophagie et des dépôts blanchâtres à la face interne des joues attribués à une hygiène bucco-dentaire non faite depuis 2 jours, il est alors ajouté à son traitement un antiseptique oculaire.
Au 3ème jour d’hospitalisation (J6 début de la maladie), apparait une diarrhée profuse fait d’environ 10 selles liquides par jour associée à une altération de la conscience chiffrée par un score de Glasgow à 8/15. Il est évoqué une suspicion de méningite et D. est transférée au service de réanimation. En réanimation, son bilan biologique montre des GB à 11500/mm3 (normale entre 5000 et 10000/mm3) avec une formule mixte, une CRP à 150 mg/l (normale < 6 mg/l), l’analyse du liquide céphalorachidien et le scanner cérébrale sont normaux. Une antibiothérapie à base de céphalosporine de 3ème génération (C3G) à dose méningée est immédiatement instituée ainsi qu’une oxygénothérapie.
Au 7ème jour d’hospitalisation (J7 début de la maladie), apparait une éruption cutanée maculopapuleuse du visage et du tronc. Le diagnostic d’encéphalopathie rougeoleuse est ainsi évoqué. Évolution est marquée par la généralisation de l’éruption en 3 jours, la disparition de la fièvre et des signes neurologique à J16, permettant le retour à domicile J19 après le début de la maladie.
2. Patient 2
Monsieur J, 27 ans, de sexe masculin, vacciné contre la rougeole à l’âge de 12 mois, sans dose de rappel, étudiant en 7ème année de médecine et en stage au service de pédiatrie du centre hospitalo- universitaire de Libreville (CHUL) et qui a été en contact il y a une semaine avec sa collègue hospitalisée pour encéphalopathie rougeoleux (patient 1), présente une fièvre non chiffrée avec des céphalées, des vomissements et des poly arthralgies, une automédication à base de paracétamol et d’artéméther-luméfantrine est administrée pendant 3 jours sans amélioration. Mais on note l’apparition d’une asthénie importante avec une toux grasse, une rhinorrhée, une conjonctivite purulente et une photophobie. Un traitement à base d’antitussif, d’antiseptique oculaire est administré. Au 5ème jour du début de la maladie, on voit apparaitre une érup- tion maculo-papuleuse type morbilliforme, d’abord sur le visage et diffuse ensuite en 4 jours faisant ainsi évoquer le diagnostic de rougeole. L’évolution est marquée par la disparition des signes clinique à J10 après le début de la maladie. Une complication à type de trouble visuel avec une réduction du champ visuel de 3 points est observée.
3. Patient 3
Mr N, 26 ans, de sexe masculin, vacciné contre la rougeole à l’âge de 12 mois, sans dose de rappel, étudiant en 6ème année de médecine, en stage au service de pédiatrie du centre hospitalo- universitaire d’Angondjé (CHUA) et ayant été en contact il y a 9 jours avec un enfant hospitalisé dans le service pour rougeole, présente une fièvre avec des céphalées et une asthénie physique traitée de manière symptomatique avec un antalgique (paracétamol) sans amélioration. Au 4ème jour du début de la maladie apparait une toux grasse, une rhinorrhée, une conjonctivite purulente et une photophobie. Un traitement à base d’antitussif, d’antiseptique oculaire est ajouté. Au 7ème jour du début de la maladie, apparaît d’abord au visage une éruption cutanée maculopapuleuse dont l’aspect et l’évolution sont caractéristiques d’une rougeole (photos 1 et 2). Cette éruption se généralise en trois jours.
L’évolution est marquée par la disparition des signes clinique à J12 du début de la maladie. Une complication à type de trouble visuel avec une réduction du champ visuel de 3 points est observée.
DISCUSSION
La rougeole est une maladie provoquée par un virus à ARN de la famille des Paramyxoviridae du genre Morbillivirus isolé en 1954 par Enders et Peebles [4]. Sa transmission se fait essentiellement par contact direct ou par voie aérienne à travers les gouttelettes de Pflüge provenant d’un malade. Le virus pénètre l’épithélium de la muqueuse respiratoire ou de la conjonctive, se réplique localement avant d’atteindre le réseau lymphatique et se disséminer dans la circulation sanguine [8].
Ce n’est plus l’apanage des pays en voie de développement car elle sévie de manière épidémique dans les pays développés depuis 2006, ni celui des enfants puisque le nombre d’adulte atteint de rougeole est en grande croissance à travers le monde. En France, le taux de rougeole chez l’adulte représentait 17% de cas déclarés en 2008, 23% en 2009 et 38% en 2010. À Genève, 56% des cas déclarés en 2008 avaient entre 10 et 29 ans [4,8,9]. De même en Mauritanie, la tranche d’âge les plus touché par la rougeole en 2015 au centre hospitalier régional d’Aïoun est celle des plus de 20 ans dans 44% des cas [10].
Le faible taux d’immunisation contre la rougeole encore observé de nos jours est la cause de l’augmentation du nombre de cas chez l’adulte. Une étude récente sur la séroprévalence des anticorps contre la rougeole dans une population d’adulte en République Tchèque a montré un taux de séronégativité de 14,3% et un taux de séropositivité limite de 2,4% sur 1911 sérums analysés [11]. Les causes de ce faible taux d’immunisation sont diverses et va- riées en fonction des continents. En Afrique, la principale raison est la difficulté d’accès aux soins primaires et donc l’absence de vaccination dans beaucoup de régions comme nous montre l’étude de Boushab en Mauritanie où 89 % des cas de patients reçus pour rougeole au centre hospitalier régional d’Aïoun n’ont jamais été vacciné [10]. Et lorsque cet accès aux soins est possible, l’obstacle se situe au niveau de l’organisation du système de santé qui ne préconise dans les programmes élargis de vaccination (PEV), qu’une seule dose de vaccin administrée à l’âge 9 mois alors qu’on sait que l’efficacité de la vaccination n’est pas optimale avec une dose d’une part et moindre avant l’âge d’un an (environ 85% à l’âge de 9 mois) d’autre part [4,12]. Dans les pays développés, l’absence de vaccination est également manifeste car 74% des personnes atteints de rougeole en France n’ont jamais été vaccinés contre la rougeole et 16% d’entre eux n’avaient reçu qu’une seule dose de vaccin [3], cela est dû essentiellement à l’existence de quelques zone d’inaccessibilité aux soins, à des convenances personnelles et à des considérations culturo-religieuses [4].
Mais de manière générale, une autre thèse justifie également le faible taux d’immunisation des adultes. Avant l’ère de la vaccination, la maladie survenait principalement dans l’enfance, les épidémies fréquentes permettaient à environ 90 % des individus de contracter la maladie avant l’âge de 15 ans. Ils étaient donc immunisés avant l’âge adulte. Puis, Au fur et à mesure que la couverture vaccinale s’améliore, le ralentissement de la circulation du virus diminue la « chance » des sujets susceptibles de rencontrer le virus et entraîne une réduction du taux d’immunisation « naturelle » des enfants non vaccinés et de ceux ayant reçu une seule dose de vaccin. Ces enfants, qui évoluent dans ce contexte arrive à l’âge adulte complètement dépourvus de défense contre la rougeole [13]. C’est ce qui justifie cette incidence élevée de la maladie dans la population adulte de nos jours car l’immunité naturelle est plus efficace que l’immunité post vaccinale en termes de taux et de durée des anticorps comme le prouve l’étude de Smectana qui montre que le taux d’anticorps des adultes de 50 ans et plus qui ont été infectés naturellement avant l’introduction du vaccin est largement supérieur à ceux des plus jeunes et vaccinés [11].
À l’instar de la population générale, le faible taux d’immunisation pour la rougeole est également constaté chez le personnel soignant. Au CHU de Reims en 2009, l’analyse sérologique du personnel médical montre que 4,2% (35/830) d’entre eux ont une sérologie négative avec un taux d’anti corps inférieur à 100 mUI/ml [14]. Cette séroprévalence du personnel médicale varie en fonction de l’âge et est médiocre chez les moins de 30 ans du fait d’une vaccination inexistante ou alors insuffisante (1 seule dose) [11,14,15]. En effet, une étude française de 2009 montrait que sur 452 personnels soignants, seulement 49,7% avaient au moins une dose de vaccin contre la rougeole [16]. Dans notre cas, les 3 étudiants étaient insuffisamment vaccinés car n’ayant reçu qu’une seule dose de vaccin à l’âge de 12 mois.
La rougeole pose un problème de santé publique mondiale de par sa grande contagiosité, sa morbidité élevée, la gravité de certaines de ses complications et l’absence de traitement spécifique [9]. Sa grande contagiosité s’explique par le fait que les individus sont contagieux un à deux jours avant l’apparition des premiers symptômes et restent contagieux jusqu’à quatre jours après l’apparition du rash cutané d’une part, mais aussi par la multiplication rapide du virus et sa survie prolongée dans l’atmosphère contaminé d’autre part [8,17]. Ceci justifie la propagation rapide de cette pathologie dans la population en générale et dans le corps médical en particulier comme nous l’avons constaté dans notre département. En effet, la rougeole nosocomiale est un phénomène bien connu en période d’épidémie, favorisée par un isolement retardé des patients dû à un retard diagnostic et à une immunisation insuffisante du personnel soignant [4,17]. Les étudiants en médecine sont les plus exposés [5]. En 2011, parmi les 102 cas de rougeole nosocomiale signalé au Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales Paris-Nord (CClin), 43 (42,1%) sont nosocomiales et concernent essentiellement les soignants dans 81% de cas (n=35/43), les étudiants étant parmi les catégories de soignants les plus atteints [18]. Aussi, au cours des deux premiers mois de la grande épidémie européenne de la rougeole 2000-2010, le personnel médical était également très touché avec un taux de 40 % par rapport au nombre total de malade enregistré [11]. De même, entre le 1er janvier 2007 et le 30 avril 2009 dans quatre hôpitaux parisiens, 29% (6/21) des adultes enregistrés pour rougeole sont des professionnels de santé [6]. Le service des urgences constitue l’un des lieux le plus favorable à la contamination des soignants [17], et c’est bien aux urgences pédiatriques que deux de nos étudiants ont été contaminés.
Le diagnostic de la rougeole s’appuie classiquement sur des critères cliniques à savoir, une éruption généralisée maculopapuleuse durant 3 jours associée à au moins un des signes suivants : toux, coryza, conjonctivite avec une fièvre supérieure ou égale à 38,3°C [12,19]. Ces critères cliniques étaient tous présents chez nos étudiants et ont permis d’évoquer la maladie malgré l’errance diagnostique observée au début de la prise en charge du patient 1. Lorsqu’ils sont tous présents, ces critères permettent aisément de poser le diagnostic dans les pays en développement comme le nôtre où l’incidence de la rougeole est très élevée contrairement aux pays à faible incidence, où ils ont une faible valeur prédictive positive et nécessite en cas de doute ou de complications graves, une confirmation biologique [4,8]. Cette confirmation diagnostique se fait par la mise en évidence de la présence du virus par la culture, par la PCR (polymerase chain reaction) ou par une analyse sérologique mettant en évidence les anticorps spécifiques de classe IgM ou IgG. L’utilisation de la PCR sur un frottis oropharyngé est la technique de détection la plus utilisée car rapide et fiable alors que la culture du virus est difficile à réaliser. Quant à la sérologie, les IgM apparaissent entre 1 et 30 jours après le début des symptômes et peuvent être absentes au moment de l’apparition de l’exanthème, généralement, elles n’apparaissent qu’au troisième jour du rash, et les IgG ne sont détectables qu’au septième jour après apparition du rash et présentent une concentration maximale au quatorzième jour [4,8,12].
La rougeole n’est pas une maladie bénigne en géné- ral et particulièrement chez l’adulte. Près de la moitié des cas nécessite une hospitalisation [3,4] car il est bien établi que les complications sont plus fréquentes chez les enfants de moins de 5 ans et les adultes, mais plus chez l’adulte que chez l’enfant [2,4,7]. Dans les pays développés, 5 à 15% des personnes atteintes présentent des complications alors que dans les pays en développement, le taux de complication est beaucoup plus élevé à cause de l’existence de plusieurs cofacteurs de morbidité [1,9].
La survenue de ces complications dépend de l’âge, de la région géographique, du statut nutritionnel et l’état immunitaire de l’hôte, les complications les plus graves étant ophtalmologique (cécités), neurologique (encéphalites), gastroentérologique (diarrhées sévères), infectieuse (pneumonie) [1,8]. Chez nos étudiants, les complications observées étaient neurologiques et ophtalmologiques, alors qu’à Paris, aucune séquelle n’était observée chez les 6 étudiants atteints de rougeole [6]. Le taux de mortalité dû à la rougeole n’est pas négligeable, en 2015, environ 134 200 personnes sont mortes de la rougeole, soit près de 367 décès par jour ou 15 par heure, la plupart des décès étaient des enfants de moins de 5 ans et les adultes de plus de 20 ans [1,2]. Malgré l’augmentation du taux de létalité en Europe, c’est dans les pays à revenu bas que la mortalité reste élevée à cause de l’association de la malnutrition et du manque de soins de santé adéquats [1,9]. Au centre hospitalier régional d’Aïoun, Mauritanie, le taux de mortalité globale a été de 8% en 2015, avec comme facteurs de mauvais pronostic l’absence de vaccination, la dénutrition et les convulsions [10]. Afin de maitriser les aspects épidémiologiques et de contrôler la propagation de la maladie, la rougeole est une maladie à déclaration obligatoire. Nos cas de rougeole nosocomiale n’ont pas été déclarés, et cette omission est responsable en partie de la contamination du patient 2.
Le traitement de la rougeole est essentiellement symptomatique car il n’existe pas de traitement antiviral spécifique. La prévention par la vaccination est donc l’option de soin par excellence. Selon l’OMS, avant la généralisation de la vaccination en 1980, la rougeole entrainait environ 2,6 millions de décès chaque année [1]. C’est un vaccin produit à partir de plusieurs souches virales validées par l’OMS. Utilisé pour la première fois en 1963, il est sûr et efficace et peut être en monovalent ou combiné (depuis en 1971) en trivalent aux valences rubéole et oreillons ou en quadrivalent en associant en plus la varicelle. Il est inclus dans les PEV en 1974 [4,12]. Depuis lors, chaque rapport annuel de l’OMS montre une diminution globale du nombre de cas dans le monde malgré la circulation encore considérable du virus.
L’objectif actuelle de l’OMS à travers son plan stratégique mondial 2012-2020 contre la rougeole, est de l’éliminer dans au moins 5 Régions de l’OMS d’ici 2020 et sa stratégie de lutte est basée sur une augmentation et un maintient à un niveau élevé de la couverture vaccinale mondiale [1]. C’est loin d’être un rêve car les décès imputés à la rougeole ont chuté de 79% à travers le monde et environ 20,3 millions de décès ont été ainsi évités entre 2000 et 2015. L’exemple est l’éradication de la rougeole dans la zone OMS d’Amérique depuis 2004 grâce à la vaccination [1,20].
L’immunité post vaccinale est très bonne dès l’âge de 12 à 15 mois, avec une séroconversion entre 97 et 100% selon les études et de longue durée. La réponse vaccinale est moindre avant un an et complétement inefficace avant l’âge de 6 mois à cause de l’immaturité du système immunitaire et la persistance d’anticorps maternels [4]. Ceci justifie le fait que dans les pays à forte incidence de rougeole où la 1ère dose de vaccin est administrée très tôt (dès l’âge de 9 mois) comme au Gabon, une deuxième dose de vaccin doit être absolument administrée. D’ailleurs, malgré les différences observées au niveau de l’âge d’administration du vaccin, tous les référentiels préconisent un schéma à 2 doses avant l’âge de 2 ans et le rattrapage des sujets réceptifs (non ou insuffisamment vaccinés par une seule dose) tels que les adolescents, les adultes non vaccinés et les personnels de santé avant l’embauche [1,8,12]. Or, seule la 1ère dose est prise en charge par le PEV au Gabon alors qu’il est même recommandé une troisième dose à l’âge de 6 ans si le taux de séroconversion après les 2 premières doses reste insuffisant [12]. L’apparition répétée des épidémies de rougeole dans les pays développés fait que la recommandation de la vaccination du personnel de soins soit actuellement respectée dans ces pays. Au Gabon, aucune attention n’est portée sur le statut vaccinal du personnel soignant en général et en particulier de celui des étudiants en médecine.
CONCLUSION
La rougeole reste une maladie grave dont la cible habituellement infantile a évolué vers l’adulte. Son éradication est possible mais encore lointaine et passe par une meilleure prise en charge de la maladie en terme de diagnostic rapide afin d’interrompe précocement la chaine de contamination et d’amélioration du taux de couverture vaccinale, surtout l’administration de la seconde dose qui doit être introduite dans le PEV. En Afrique en général, et au Gabon en particulier, cette seconde dose de vaccin anti rougeoleux doit être recommandé à tout adulte mal vacciné et obligatoire pour tous les agents de santé.
Conflit d’intérêt
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
Ethique :
L’autorisation de l’étudiant était obtenue avant la publication de sa photo.
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