EPIDEMIOLOGIE ET PRISE EN CHARGE DU ZONA OPHTALMIQUE A L’HOPITAL D’INSTRUCTION DES ARMEES OMAR BONGO ONDIMBA (HIA OBO), A LIBREVILLE, AU GABON

Mouinga Abayi DAN1,2, Mba Aki TN2, Assoumou PAN2, Kogou Ntoutoume AN1, Brahime FN1,2, Mve Mengome EN1,2

1) Service d’Ophtalmologie, Hôpital d’Instruction des Armées Omar BONGO ONDIMBA Libreville (GABON), BP 20404, Libreville
2) Département universitaire d’Ophtalmologie

Auteur correspondant : MOUINGA ABAYI, BP 20404, + 241 02869084, mouingaabayi@yahoo.fr

 

Résumé

Introduction: Le virus de la varicelle et du zona est à l’origine d’un large spectre d’atteintes systémiques et oculaires. Le but de ce travail est de montrer la place de l’ophtalmologiste dans la prise en charge du zona ophtalmique.
Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective menée dans le service d’Ophtalmologie de l’HIA OBO entre 2016 et 2018, sur une série de patients, pris en charge pour zona ophtalmique.
Résultats: Nous avons recruté 8 patients, dont 6 femmes. L’âge moyen était de 42,5 ans. Quatre patients étaient VIH (+). Tous nos patients avaient une cellulite orbitaire. La motilité oculaire était conservée chez tous les patients.
L’acuité visuelle était basse chez la plupart. L’examen à la lampe à fente retrouvait une hyperhémie conjonctivale, un chémosis et une atteinte cornéenne. Tous nos patients ont bénéficié d’une bi-antibiothérapie, des antalgiques et des anti-viraux. L’évolution était marquée par la régression de la cellulite orbitaire, la cicatrisation cutanée, la récupération visuelle.
Conclusion: Le zona ophtalmique est plus fréquent chez les sujets atteints de VIH, par rapport à la population générale. Correctement pris en charge, son évolution est favorable. Par contre, en l’absence de traitement antiviral, il s’accompagne de complications oculaires dans 50 à 70 % des cas.

Mots-clés : zona, VIH, cellulite orbitaire

Summary

Introduction: The varicella zoster virus is responsible for a broad spectrum of systemic and ocular disorders. The purpose of this work is to show the place of the ophthalmologist in the management of ophthalmic zoster.
Material and methods: This is a retrospective study conducted in the Ophthalmology department of HIA OBO between 2016 and 2018, on a series of patients, treated for ophthalmic zoster.
Results: We recruited 8 patients, including 6 women. The average age was 42.5 years. Four patients were HIV (+). All of our patients had orbital cellulitis. Ocular motility was preserved in everyone. Visual acuity was low in most. The slit lamp examination revealed conjunctival hyperemia, chemosis and corneal involvement. All of our patients have received dual antibiotic therapy, analgesics and anti-virals. The evolution was marked by the regression of orbital cellulitis, the cutaneous cicatrization and the visual recovery.
Conclusion: Ophthalmic zoster is more common in people with HIV, compared to the general population. correctly managed, its development is favorable. On the other hand, in the absence of antiviral treatment, it is accompanied by ocular complications in 50 to 70% of cases.

Keywords: zoster, HIV, orbital cellulitis

 

Introduction

Le virus de la varicelle et du zona (VZV), encore appelé Human herpes virus type 3, est très répandu dans la population [1], où il est à l’origine d’un large spectre d’atteintes systémiques et oculaires. Alors que la varicelle est une maladie éruptive bénigne de l’enfance qui touche 99 % de la population générale, le zona peut survenir chez toute personne ayant déjà eu la varicelle. Cette affection est plus fréquente chez les sujets âgés de plus de 50 ans ou immunodéprimés [2]. En France, le nombre de cas annuels de zona est estimé à environ 200000, dont 20000 à 40000 cas de zona ophtalmique [1]. Le but de cette étude est de décrire les aspects épidémiologiques et d’évaluer la prise en charge ophtalmologique des patients atteints de zona ophtalmique à l’HIA OBO.

 

Matériel et méthodes

Il s’agissait d’une étude rétrospective et descriptive, qui avait eu lieu au service d’Ophtalmologie de l’HIA OBO de Libreville, sur une période de 37 mois, allant de janvier 2016 à février 2019, sur des malades vus en ophtalmologie pour zona ophtalmique. Nous avions inclus tous les cas de zona ophtalmique vus au cours de la période d’étude.
Nous n’avions pas retenu les autres atteintes orbitaires ni autres lésions cutanées de la face n’intéressant pas le territoire du nerf trijumeau. De même, tous les patients dont les dossiers étaient incomplets n’ont pas été retenus. Les variables étudiées étaient les caractéristiques sociodémographiques, les données de l’examen ophtalmologique, le traitement et l’évolution. Le recueil de données s’était fait sur une fiche d’enquête pré-établie. Le traitement des données avait été réalisé grâce au logiciel Excel de Windows 2007.

 

Résultats

En tout, 8 patients, dont 6 femmes, ont été recrutés. et 2 hommes. L’âge moyen de ces patients était de 42,5 ans, avec des extrêmes de 15 ans et 77 ans. Quatre patients étaient séropositifs pour le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH). Le délai de consultation était de 9,25 j avec des extrêmes de 3 j et 30 j. Le zona était latéralisé à droite chez 7 patients, et à gauche chez 1 patient. La cellulite orbitaire était présente chez tous les 8 patients. La motilité oculaire était conservée chez 7 patients. La mesure de l’acuité visuelle avait trouvé une absence de perception lumineuse chez 1 patient, une acuité visuelle à 2/10 chez 2 patients, à 3/10 chez 3 patients, et à 6/10 chez 1 patient. L’acuité visuelle n’avait pu être évaluée chez 1 patient. L’examen à la lampe à fente avait trouvé une hyperhémie conjonctivale chez 6 patients, un chémosis chez 4 patients, une atteinte cornéenne chez 3 patients, une uvéite antérieure chez 2 patients, et une éviscération chez 1 patient. Sur le plan thérapeutique, nos patients avaient bénéficié d’une bi-antibiothérapie par voie générale (amoxicilline-acide clavulanique et métronidazole), un traitement antalgique par voie générale (paracétamol), un traitement antiviral aussi bien par voie générale (valaciclovir) que topique (ganci-clovir), et des soins locaux cutanés. Dans l’évolution, 5 patients avaient récupéré une acuité visuelle à 10/10, 8/10 pour 1 patient, 1 autre était en état de cécité. L’examen à la lampe à fente était normal chez 7 patients, le fond d’oeil était normal chez 7 patients. On avait noté une cicatrisation cutanée complète chez 7 patients. La durée moyenne d’hospitalisation était de 10,2 j avec des extrêmes de 7 j et 14 j.

 

Discussion

Notre étude présente des limites. Il s’agit d’une étude monocentrique, et dont les résultats ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la population gabonaise. Notre effectif était de 8 patients, 2 hommes pour 6 femmes, ce qui sous-entend une prédominance féminine, mais Bourcier et al. en France [2], rapportent que le zona n’a pas de prépondérance saisonnière, géographique, ethnique ou sexuelle.
L’âge moyen de notre série était de 42,5 ans. Labetoulle M en France [3] montre que l’incidence annuelle du zona augmente avec l’âge, passant de 1 cas/1000 dans la tranche de 20 à 30 ans à 11% dans la population de plus de 70 ans. L’âge est donc un facteur de risque essentiel du zona, en particulier à partir de 60 ans où la fréquence croît rapidement [1]. L’association entre le zona et le VIH est très fréquente. Dans notre série, 4 patients étaient séropositifs pour le VIH. L’incidence du zona ophtalmique est 15 fois plus fréquente chez les sujets VIH (+) que dans la population générale [4,5]. D’autres auteurs ont rapporté cette association. C’est ainsi que Bella et al au Cameroun [6], ont montré dans une étude de 57 personnes vivant avec le VIH, que sur 36 ayant une atteinte ophtalmologique, 12,3% présentaient un zona ophtalmique. Ayena et al au Togo [7], ont montré dans une étude de 281 personnes vivant avec le VIH et sous tri-thérapie anti-rétrovirale, que 19,6% présentaient un zona ophtalmique. La motilité oculaire était conservée chez 7 patients. Dans certains cas, le zona ophtalmique peut se compliquer de paralysie oculomotrice comme l’ont rapporté Papeix et al devant ophtal-moplégie complète chez une femme de 73 ans [8]. En l’absence de traitement antiviral, les compli-cations oculaires apparaissent dans 50 à 70% des cas [2]. Toutes les structures du globe peuvent être touchées. Au niveau des paupières [9], à la phase aiguë de l’infection, on a une éruption maculo-papulaire puis vésiculaire avec oedème.
L’atteinte cornéenne [2] par le VZV se présente sous des aspects cliniques très variables: la kératite neurotrophique, présente dans 25% [10] est directement liée à la diminution de l’innervation cornéenne. La kératite d’exposition est la conséquence d’une malposition palpébrale. Une atteinte uvéale est aussi décrite : une uvéite antérieure présente pendant la crise de zona ou à distance [2]. Une kérato-uvéite est parfois retrouvée. Tous nos patients ont bénéficié d’un traitement. Parce que l’atteinte oculaire ne peut être prévue dans le zona ophtalmique et qu’elle survient dans 50 à 70% des cas, le traitement de tous les patients atteints de zona ophtalmique par un antiviral est systématiquement prescrit [11].

 

Conclusion

Le zona ophtalmique peut, en l’absence de traitement antiviral, se compliquer par des atteintes oculaires pouvant aboutir à la cécité. Ces complications sont d’autant plus fréquentes et graves que le sujet est immunodéprimé. Le rôle de l’ophtalmologiste consiste à dépister les atteintes oculaires afin de mettre en route un traitement préventif voir curatif.

 

Références

1. Labetoulle M, Colin J. Zona ophtalmique et atteinte du segment antérieur de l’oeil. In:Bourcier T, Bodaghi B, Bron A. Editors. Infections oculaires. Paris: Lamy 2010.
2. Bourcier T, Borderie V, Laroche L. Zona ophtalmique. EMC Ophtalmologie, 2004.
3. Labetoulle M, Bourcier T. Zona ophtalmique et atteinte du segment antérieur de l’oeil. EMC – Ophtalmologie 2012; 9 (4): 1 – 7.
4. Starr CE, Pavan-Langston D. Varicella-zoster virus: mechanisms of pathogenicity and corneal disease. Ophthalmol Clin North Am 2002;15:7-15.
5. Buchbinder SP, Katz MH, Hessol NA, et al. Herpes zoster and human immunodeficiency virus infection. J Infect Dis 1992; 166: 1153 – 6
6. Bella AL, Luma H, Ach Joko H. Complications oculaires de l’infection à VIH SIDA en milieu camerounais: y a-t-il une corrélation avec le taux de CD4. Bull Soc Belge Ophtalmol 2007;305:7-12
7. Ayena KD, Amedome KM, Agbo ARD, et al. Atteintes oculaires chez les personnes vivant avec le VIH SIDA sous trithérapie au Togo. Médecine Tropicale 2010; 70 : 137 – 40
8. Papeix C, Dumurgier J, Miléa D, et al. Ophtalmoplégie complète compliquant un zona ophtalmique. Rev Neurol 2005; 161: 590 – 2
9. Liesegang TJ. Varicella-zoster virus eye disease. Cornea 1999; 18: 511 – 31.
10. Abitbol O, Hoang-Xuang T. Zona ophtalmique. In Labetoulle M, Editor. Herpès et zona oculaire: de la clinique au traitement. Paris: Med’Com Editions; 2009 p. 193 – 212
11. Gnann Jr JW, Whitley RJ. Clinical practice. Herpes zoster. N Engl J Med 2002; 347: 340 – 6.