PATHOLOGIE DU CANAL PERITONEO-VAGINAL A LIBREVILLE. FACTEURS ETIOLOGIQUES, DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT

Mougougou A, Massandé J, Ndang Ngou-Milama S, Boumas N, Angué Nguema M, Bivigou Idiata RN.
Service d’Urologie, CHU de Libreville-Gabon.
Auteur correspondant : Dr Adrien MOUGOUGOU
BP : 16237 Libreville
E-mail : mougougouadrien@yahoo.fr
Tél : (00241) 04893973

Résumé

Introduction : les affections dues à la persistance du canal péritonéo-vaginal (CPV) sont fréquentes en urologie. L’objectif de notre travail était de ressortir les facteurs étiologiques, les aspects diagnostiques et thérapeutiques de la pathologie du CPV au service d’urologie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Libreville.

Patients et méthodes : nous avons mené une étude rétrospective sur les pathologies liées à la persistance du CPV opérés de janvier 2013 à décembre 2016 au service d’urologie.

Résultats : nous avons colligé 142 cas de pathologies du CPV sur 217 malformations urogénitales congénitales. L’âge des patients variait entre 2 et 180 mois avec une moyenne de 48,6 mois (4 ans). Le sex-ratio était de 68. La primiparité et l’âge maternel supérieur à 35 ans ou inférieur à 18 ans étaient les principaux facteurs étiologiques identifiés chez nos patients. La pathologie du CPV était bilatérale chez 2,8% des patients et elle siégeait à droite dans 62 % des cas. Les entités anatomo-cliniques étaient dominées par les hernies (inguinales ou inguino-scrotales) qui représentaient 62,7% des cas. Tous les patients étaient opérés en chirurgie réglée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 24 heures. La morbidité post opératoire était marquée par 4 cas (2,8%) d’hématome scrotal et 2 cas (1,4%) d’atrophie testiculaire. Il n’y avait pas de décès post opératoire.

Conclusion : Les pathologies du CPV constituent la majorité des malformations urogénitales opérées dans notre pratique urologique (63,6%). Notre étude a permis de mettre en évidence la présence de la primiparité et l’âge maternel supérieur à 35 ans ou inférieur à 18 ans qui sont des facteurs étiologiques déjà établis par la littérature.

Mots-clés : Malformation urogénitale congénitale, CPV, facteur étiologique, diagnostic, traitement.

Abstract

Introduction: The affections due to the persistence of the peritoneovaginal canal are frequent in urology. The objective of our work was to highlight the etiological factors, the diagnostic and therapeutic aspects of the pathology of the peritoneovaginaml canal in the urology department of the university hospital center of Libreville.

Patients and methods: We conducted a retrospective study on the pathologies related to the persistence of the peritoneovaginal canal operated from January 2013 to December 2016 in the urology department.

Results: We collected 142 cases of pathology of the peritoneovaginal canal out of 217 congenital urogenital malformations. Age ranged from 2 to 180 months with an average of 48.6 months (4 years). The sex ratio was 68. Primiparity and maternal age greater than 35 years or less than 18 years were the main etiological factors identified in our patients. The pathology of the peritoneovaginal canal was bilateral in 2.8% of patients and it seated on the right in 62% of cases. Hernias (inguinal or inguino-scrotal) which accounted for 62.7 % of cases dominated the anatomo-clinical entities. All patients were operated in regulated surgery. The average duration of hospitalization was 24 hours. Postoperative morbidity was marked by 4 cases of scrotal hematoma and 2 cases of testicular atrophy. There was no postoperative death.

Conclusion: The pathologies of peritoneovaginal canal constitute the majority of urogenital malformations operated in our urological practice (63.6%). Our study has allowed highlighting the presence of primiparity and maternal age greater than 35 years or less than 18 years, which are etiological factors already established in the literature.

Keywords: Congenital urogenital malformation, PVC, etiological factor, diagnosis, treatment.

 

Introduction

La pathologie du canal péritonéo-vaginal (CPV) représente l’ensemble des affections rencontrées chez le nourrisson et l’enfant découlant de la persistance anormale du CPV. Elle regroupe les entités anatomo-cliniques suivantes : la hernie, l’hydrocèle communicante ou non et le kyste du cordon spermatique chez le garçon ; la hernie inguinale et le kyste liés à la persistance du canal de Nück chez la fille [1]. C’est une pathologie très fréquente en urologie et en chirurgie pédiatrique car 80 % des nouveau-nés auraient un CPV perméable [2]. Son diagnostic est clinique mais peut dans certains cas nécessiter l’utilisation de l’imagerie médicale. Le traitement des hernies demeure chirurgical et repose sur la fermeture du CPV. La chirurgie des hydrocèles et du kyste du cordon spermatique peut être différée car ces affections ne se compliquent jamais et peuvent guérir spontanément [3]. A l’échelle mondiale et continentale, plusieurs auteurs ont réalisé des études sur les pathologies du CPV [1-5]. Au Gabon, aucune étude sur les malformations urogénitales (MUG) congénitales chez l’enfant n’a été publiée. L’objectif de notre travail était de ressortir les facteurs étiologiques, les aspects diagnostiques et thérapeutiques de la pathologie du CPV prises en charge au service d’urologie du CHU de Libreville.

Matériel et méthode

Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive portant sur 142 patients qui avaient une pathologie liée à une persistance du CPV pris en charge de janvier 2014 à décembre 2016 au service de chirurgie urologique du Centre Hospitalier Universitaire de Libreville. Les paramètres étudiés étaient l’âge en nombre de mois reparti en 4 classes [0-12[, [12-60[, [60-120[et [120-180], le genre, le statut socio-économique des parents, les signes cliniques (une tuméfaction inguinale ou inguino-scrotale), les signes échographiques, les modalités thérapeutiques et les potentiels facteurs de risque associés à la survenue de cette pathologie. La collecte des données a été effectuée à partir des dossiers des patients du service. L’analyse des données s’est faite à l’aide du logiciel Epi info version 3. Les variables quantitatives étaient exprimées en moyenne avec leurs écarts types et les variables qualitatives étaient rendues en pourcentage. Nous avons utilisé le test du Khi-2 pour comparer les fréquences et le test de la loi normale pour la comparaison des moyennes. Nous avons considéré que les différences étaient statistiquement significatives lorsque p était inférieur à 0,05.

 

Résultats

Pendant la période d’étude, 217 malformations urogénitales congénitales étaient prises en charge dans notre service. Parmi celles-ci, il y avait 142 pathologies du CPV (63,6% des cas). L’âge variait entre 2 et 180 mois avec une moyenne de 48,6 mois (4 ans). Notre échantillon était composé de 136 garçons et 2 filles, soit un sex-ratio de 68. Deux patientes présentaient une persistance du canal de Nück. La primiparité et l’âge supérieur à 35 ans ou inférieur à 18 ans chez la mère étaient les principaux facteurs de risque de survenue de la persistance du canal péritonéo vaginal chez nos patients (tableau I). Le motif de consultation était une grosse bourse dans 37,3% des cas et une tuméfaction inguinale ou inguino-scrotale dans 62,7% des cas. Six patients (4,2%) dont 4 porteurs d’une hydrocèle et 2 qui avaient une hernie avaient réalisé une échographie des bourses demandée par le pédiatre. L’échographie avait confirmé le diagnostic d’hydrocèle et de hernie. La pathologie du CPV était bilatérale chez 4 patients et elle siégeait à droite chez 88 patients, soit 62 % des cas. Les entités anatomo-cliniques étaient dominées par les hernies (inguinales ou inguinoscrotales) qui représentaient 62,7% des cas (tableau II).

Tableau I : Potentiels facteurs étiologiques des pathologies du CPV

 

Tableau II : Répartition anatomo-clinique de la pathologie du CPV

 

Le traitement chirurgical des pathologies du CPV consistait en la dissection, la ligature proximale et la section de ce canal associées à un refoulement du contenu du sac, une résection partielle de la vaginale testiculaire en cas d’hydrocèle et une kystectomie pour les kystes du cordon spermatique. Le renforcement pariétal était inconstant. Ils étaient tous opérés en chirurgie réglée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 24 heures. La morbidité post opératoire était marquée par 4 cas d’hématome scrotal, soit 2,8% des cas qui ont régressé sous traitement anti inflammatoire. Deux cas (1,4%) d’atrophie testiculaire étaient retrouvés chez 2 patients opérés pour hernie inguino-scrotale et pour hydrocèle communicante respectivement à 15 et 24 mois post opératoire. Nous n’avons noté aucune suppuration pariétale et la mortalité post opératoire était nulle.

 

Discussion

Le canal péritonéo-vaginal est perméable chez environ 80 à 90 % des nouveau-nés ; à la fin de la première année de vie, 50 % restent encore ouverts et le processus d’oblitération se poursuit jusqu’à la fin de la deuxième année de vie [2]. Les pathologies du CPV représentaient 63,6% des cas de malformations urogénitales prises en charge dans le service pendant la période d’étude. Au Benin, Fiogbé et al [4] avaient noté que la persistance du CPV était la malformation urogénitale cliniquement visible la plus fréquente après la varicocèle. Ngom et al [3] rapportaient également que la PCPV était très fréquente en consultation pédiatrique, du fait de la fermeture tardive du canal péritonéo-vaginal mais aussi de son caractère cliniquement visible. Nos résultats confirment la fréquence élevée des PCPV décrite dans la littérature. En 2000, Sharpe et al [6], s’appuyant sur des études expérimentales et épidémiologiques, avaient suggéré que les malformations affectant les organes génitaux externes masculins ainsi que les altérations fonctionnelles de l’appareil reproducteur se révélant à l’âge adulte, seraient la conséquence de perturbations au niveau de la programmation du développement des gonades pendant la vie embryonnaire. La primiparité et l’âge supérieur à 35 ans ou inférieur à 18 ans chez la mère étaient les principaux facteurs de risque de survenue de la persistance du canal péritonéo-vaginal chez nos patients. La présence de ces facteurs étiologiques est conforme aux travaux de plusieurs auteurs qui suggèrent qu’un petit poids de naissance chez un nouveau-né à terme, la prématurité, l’âge maternel de la puberté, l’obésité maternelle, la menace d’avortement, l’âge de la mère supérieur à 35 ans, et le tabagisme pendant la grossesse ont pu être associés à un risque accru par certains auteurs [7]. La notion d’âge idéal pour la cure des hernies non compliquées de l’enfant reste controversée. Selon Rajput et al [8], le temps de la cure tient compte de plusieurs facteurs dont l’âge et le poids de l’enfant. Le chirurgien et l’anesthésiste évaluent le risque chirurgical et anesthésique avec le risque d’étranglement herniaire. Il est classiquement admis que le risque anesthésique est moindre chez l’enfant de plus de 6 mois [9]. L’âge moyen de nos patients opérés était de 4 ans (48,6 mois) avec des extrêmes de 2 mois et 15 ans. Sarr et al [5] avaient noté une moyenne d’âge de 7,5 ± 7 ans, probablement due à l’inclusion des adultes dans leur travail. Nos patients étaient plus âgés que ceux de Ngom et al [3] ainsi que ceux de Kouamé et al [10] qui avaient respectivement rapporté 58,4% de nourrissons et 57% de moins de 1 mois. Le diagnostic et la prise en charge tardive de la PCPV dans notre contexte pourrait être imputable à la consultation tardive des parents devant l’apparition des signes cliniques mais aussi à la faible coopération entre les pédiatres et les urologues. Notre série était composée de 136 garçons et 2 filles, soit un sex-ratio de 68. Cette prédominance masculine était retrouvée par Ngom et al [3] chez qui le sex-ratio était de 40,6. Le motif de consultation était une grosse bourse dans 37,3% des cas et une tuméfaction inguinale ou inguino-scrotale dans 62,7% des cas. Ces données rejoignent les travaux de Ngom et al [3] ainsi que Kouamé et al [10] qui notaient respectivement 98,4% et 66% de tuméfaction inguinoscrotale ou inguinale. Le défaut de fermeture du CPV après la descente du testicule est à l’origine de quatre entités anatomo-cliniques: la hernie, l’hydrocèle communicante, l’hydrocèle non communicante et le kyste du cordon spermatique encore appelé hydrocèle funiculaire [11]. Dans notre série, la hernie était le type anatomo-clinique le plus fréquent avec 62,7% des cas, suivie de l’hydrocèle dans 36,6% des cas. Cette prédominance de la hernie est également retrouvée dans la série de Ngom et al [3] à hauteur de 76,8%, au contraire de Sarr et al [5] qui notaient 72% d’hydrocèle. La fréquence des différentes formes anatomo-cliniques rapportées dans notre étude est conforme aux données de la littérature [3,4]. Le diagnostic des PCPV est clinique. Un examen clinique soigneux tenant compte des formes anatomo-cliniques permet de les différencier. Cependant en cas de doute, certains auteurs préconisent de réaliser une échographie [3]. Nous l’avons réalisée chez six patients pour un diagnostic plus précis. Le traitement chirurgical des pathologies liées à la persistance du CPV de nos patients consistait en la dissection, la ligature proximale et la section de ce canal associées à un refoulement du contenu du sac, une résection partielle de la vaginale testiculaire ou une kystectomie selon l’entité anatomo-clinique associée. Teklali et al [12] avaient utilisé le même procédé dans leur série. Cette approche permet de fermer le CPV à l’orifice inguinal profond. C’est l’approche de choix dans la chirurgie du CPV chez l’enfant. Wilson et al [13] proposent la voie scrotale chez tout enfant de plus de 12 ans présentant une hydrocèle non communicante. Ces auteurs pensent que l’âge est inversement proportionnel à la présence d’un CPV et qu’après 12 ans, l’approche scrotale est indiquée. La société Européenne des Urologues Pédiatres recommande la fermeture du canal peritonéo-vaginal à l’âge de 2 ans car la majorité disparait au bout d’un an [14]. Dans notre série, des patients âgés de moins de 2 ans qui présentaient une hydrocèle avaient été opérés alors qu’ils pouvaient bénéficier d’une surveillance au regard de la possible régression de la persistance du CPV. Selon Ngom et al [15] les hydrocèles ne se compliquent jamais et peuvent disparaitre spontanément. Dans la hernie, certains auteurs pratiquent en outre la technique de Forgues [10,15] qui consiste à rapprocher le tendon conjoint au ligament inguinal. Cela participerait selon eux, à la prévention des récidives herniaires. Nous pensons que cette attitude concourt plus à prévenir l’éventuelle survenue d’une hernie par faiblesse de la paroi qu’à la récidive d’un CPV qui a été chirurgicalement fermé.

 

Conclusion

Les pathologies du CPV sont fréquentes à Libreville. Elles constituent la majorité des malformations urogénitales prises en charge dans notre pratique urologique. Elles sont dominées par la hernie inguinale ou inguino-scrotale. Leur traitement chirurgical est classique avec une morbidité minime et une mortalité nulle. Notre série a permis de mettre en évidence la présence de quelques facteurs étiologiques déjà établis par la littérature dont la primiparité et l’âge maternel supérieur à 35 ans ou inférieur à 18 ans.

 

Références

1. Grosfeld JL, Minnick K, Shedd F et al. Inguinal hernia in children: factors affecting recurrence in 62 cases. J. Pediatr Surg 1991;26:283-7.
2. Juskiewenski S, Galinier P. The abdominal wall in infants and children. In: Hernias and surgery of the abdominal wall. Berlin: Springer-Verlag 1998:325-35.
3. Ngom G, Mohamed AS, Saleck AE et al. La pathologie non compliquée du canal péritonéo-vaginal à Dakar: à propos de 125 cas. J Pediatr Puericult 2015 ; 28:114-7.
4. Fiogbé MA, Gbénou AS, Metchihoungbé S et al. Aspects épidémiologiques et cliniques des malformations urogénitales cliniquement visibles chez
les élèves adolescents de Cotonou. Prog urol 2013;23:1428-34.
5. Sarr A, Sow Y, Fall B, et al. La pathologie du canal péritonéo-vaginal en pratique urologique. Prog Urol 2014 ; 24:665-9.
6. Sharpe RM, Irvine DS. How strong is the evidence of a link between environmental chemicals and adverse effects on human reproductive health? BMJ 2004; 328:447-51.
7.Martens JW, Lumbroso S, Verhoef-Post M et al. Mutant luteinizing hormone receptors in a compound heterozygous patient with complete Leydig cell
hypoplasia: abnormal processing causes signalling deficiency. J Clin Endocrinol Metab 2002; 87(6):2506-13.
8. Rajput A, Gauderer MW, Hack M. Inguinal hernias in very low birth weight infants: incidence and timing of repair. J Pediatr Surg 1992;27:1322-4.
9. Uemura S, Woodward AA, Amerena R et al. Early repair of inguinal hernia in premature babies. Pediatr Surg Int 1999;15(1):36-9.
10. Kouamé BD, Dick RK, Ouattara O et al. Etude descriptive des hernies inguinales du garçon : à propos de 584 cas. J Pediatr Puéricult 2006 ;19:47-51.
11. Galinier P, Kern D, Bouali O et al. Pathologie urgente du processus péritonéo-vaginal chez l’enfant. In : EMC-Médecine. Paris : Elservier Masson ;2005. p. 215-23.
12. Teklali Y, Baillot B. Traitement chirurgical des hydrocèles chez l’enfant. Paris, EMC, 2010 ; Doi :10.1016/S1283-0879(10)53650-3.
13. Wilson JM, Aaronson DS, Schrader R, Baskin LS. Hydrocele in the pediatric patient: inguinal or scrotal approach? J Urol 2008; 180(4):1724-8.
14. Koski ME, Makari JH, Adams MC et al. Infant communicating hydroceles: do they need immediate repair or might some clinically resolve. J Pediatr Surg 2010;45:590-3.
15. Ngom G, Mohamed AS, Daraabou MA et al. L’hydrocèle par persistance du canal péritonéovaginal à Dakar: A propos de 117 cas. IJISR 2016;26:100-4.