SYNDROME SAPHO : PREMIERE DESCRIPTION CHEZ LE NOIR AFRICAIN AU GABON ET EVOLUTION A SIX ANS

Missounga L¹, Iba ba J¹, Ntsame Ngoua S¹, Nziengui Madjinou MIC¹, Nseng Nseng IR¹, Traoré S², Ella Ondo T³, Moussavou Kombila JB¹, Boguikouma JB¹.

1. Service de Médecine interne, CHU de Libreville – Université des Sciences de la Santé. BP 2228 Libreville, Gabon.
2. Service d’oncologie et médecine nucléaire, Institut de Cancérologie de Libreville – CHU d’Agondjé. BP 23798 Libreville, Gabon.
3. Service d’imagerie médicale, HIAOBO, BP 20404 Libreville Gabon.

Auteur correspondant : Dr Missounga Landry, Maître-Assistant de Rhumatologie, département de Médecine interne et spécialités médicales, FMSS-USS Libreville, Gabon. BP 8696 Libreville Gabon, tél (241) 06 40 50 60. E mail : lmissounga6@gmail.com.

 

RESUME

Le syndrome SAPHO est une entité bien reconnue à ce jour à travers des séries d’observations dans la littérature provenant majoritairement de populations asiatiques et caucasiennes. Il y a peu de cas publiés chez le sujet noir en Afrique subsaharienne. Nous rapportons le premier cas de la maladie au Gabon chez un patient noir de 59 ans. Il avait consulté pour tuméfaction douloureuse inflammatoire récurrente du sternum 9 mois auparavant, accompagnée d’une acné sévère du visage. L’association clinico-morphologique d’éléments rhumatologiques (ostéoarthrites sternoclaviculaires et sternocostales, hyperostose manubriosternale d’aspect scintigraphique en « tête de taureau ») et dermatologiques (acné kystique du visage, pustulose plantaire) s’avérait caricaturale de la maladie dans sa forme complète. Après échec des traitements de première ligne incluant le méthotrexate, douze perfusions de Zolédronate ont été nécessaires pour obtenir la rémission clinique persistant encore six ans après lediagnostic. En conclusion : le syndrome SAPHO est rare chez le noir africain. Son diagnostic reste clincomorphologique conformément à son acronyme et son traitement non encore bien codifié.

Mots clés : SAPHO, noir africain, acide zolédronique.

ABSTRACT

Introdution: SAPHO syndrome is a well-recognized entity to date through series of observations in the literature mostly from Asian and Caucasian populations. There are few published cases of black matter in sub-Saharan Africa.
Observation: We report the first case of the disease in a 59-years old black Gabonese man. He had consulted for painful swelling recurrent inflammation of the sternum 9 months ago, accompanied by severe facial acne. The clinico-morphological association of rheumatological paterns (sternoclavicular and sternocostal arthritis, manubriosternal hyperostosis with scintigraphic aspect of « bull’s head ») and dermatological (cystic acne of the face, plantar pustulosis) proved caricaturale of the disease in its complete form. After failure of first-line therapies including methotrexate, twelve Zoledronate infusions were required to achieve persistent clinical remission six years after diagnosis.
Conclusion: SAPHO syndrome is rare in African black. His diagnosis remains clinic and morphological features
according to his acronym and treatment not yet well codified.

Key words: SAPHO, African black, zoledronic acid.

 

INTRODUCTION

Le syndrome SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose, Hyperostose, Ostéite) regroupe des signes dermatologiques et rhumatologiques qui le font reconnaitre à ce jour comme maladie orpheline rare, bien que proche du groupe des spondyloarthrites. Initialement décrit chez des patients asiatiques au Japon [1], il a fait l’objet de publications de séries importantes dans des populations caucasiennes en France et en Italie [2,3]. Dans la littérature peu de cas de SAPHO sont rapportés chez le sujet noir particulièrement en Afrique, dans sa forme complète d’où l’intérêt de cette observation.

 

OBSERVATION

Un homme de 59 ans, gabonais de race noire sans antécédent notable, avait consulté en avril 2010 pour tuméfaction douloureuse de la paroi thoracique antérieure de localisation sternale haute. Elle était apparue insidieusement, évoluant par crises récurrentes depuis neuf mois sans fièvre. Il s’y associait des lésions plantaires pustuleuses, une douleur de l’épaule droite d’horaire mécanique et une acné chronique du visage progressivement volumineuse. Avant la première consultation en rhumatologie, le patient avait pris des traitements divers : paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, corticothérapie par voie orale (prednisone 20 à 60 mg/j) et locale sur les lésions plantaires, sans succès. A l’examen initial il présentait : une arthrite bilatérale des sternoclaviculaires des sternocostales et de la manubriosternale, une pustulose plantaire droite kératosique desquamante (figure 1), des épaules souples non douloureuses, une acné kystique sous la pommette gauche du visage. Biologiquement il y avait : un syndrome inflammatoire modéré (CRP 12,1 mg et VS 24 mm), un hémogramme normal, des sérologies virales (HIV, hépatites virales B et C) et d’arthrites réactionnelles négatives, une négativité des auto-anticorps et l’absence d’antigène HLA B27.

Figure 1. Acné kystique du visage (flèche en haut à gauche), tuméfaction sternoclaviculaire (flèche en bas à
gauche), pustulose plantaire (flèche à droite). Diapothèque Dr Missounga Landry

Sur le scanner thoracique il y avait : des lésions mixtes ostéocondensantes et ostéolytiques des articulations sterno-claviculaires et sterno-costales, une hyperostose du manubrium sternal. Sur la scintigraphie du squelette total : il y avait une hyperfixation du sternum en « tête de taureau » sans autre foyer de fixation (figure 2). L’association des éléments cliniques articulaires (arthrites sternales), dermatologiques (acné et pustulose plantaire) aux éléments morphologiques (ostéite et hyperostose sternales) nous a conduits à poser le diagnostic de syndrome SAPHO dans sa forme complète. Après traitement de six mois par la doxycycline à 200 mg/j et par la sulfasalazine à 2 g/j remplacée au bout de deux semaines par le méthotrexate à 10 mg/S pour intolérance digestive, il n’y avait pas d’amélioration notable.

Figure 2. Images scintigraphiques en « tête de taureau » (à gauche) et scanographiques d’ostéite etd’hyperostose
manubriosternales en coupes transversales et sagittales (flèches). Diapothèque Dr Missounga Landry

 

Un traitement par zolédronate a été débuté à la dose de 4 mg perfusion toutes les quatre semaines en 2 cycles de six mois séparés de 2 mois (soit un total de 12 perfusions). Après le premier cycle, l’évolution était partiellement favorable: régression de la tuméfaction sternale avec espacement des poussées inflammatoires passées de une par mois à une par trimestre, persistance de l’acné et de la pustulose plantaire. Après la douzième perfusion soit 2 ans après le diagnostic, l’état du patient était amélioré avec disparition des poussées inflammatoires sternales et du syndrome inflammatoire biologique, la diminution du volume de l’acné et le caractère moins floride de la pustulose plantaire bien que persistante, l’absence de nouveaux foyers d’ostéite scintigraphique. Cette amélioration persistait 6 ans après le diagnostic et 4 ans après le traitement par zolédronate sans effet secondaire de type nécrose mandibulaire ni exacerbation de la pustulose plantaire.

 

DISCUSSION

Il n’y a pas de prédisposition ethnique reconnue dans le syndrome SAPHO. Les premiers cas rapportés proviennent principalement de sujets asiatiques au Japon [4]. Depuis lors les plus grandes séries sont rapportées surtout dans des populations caucasiennes avec 120, 86 et 71 cas respectivement en France, en Allemagne et en Italie [2,3,5]. La plus grande série actuelle de la littérature est celle des 164 cas rapportés en Chine [5]. Peu de cas sont rapportés chez le sujet noir particulièrement en Afrique subsaharienne. L’originalité de notre observation réside dans cet aspect épidémiologique de rareté de publications de ce syndrome chez le noir en Afrique mais aussi sur le caractère complet du syndrome au moment du diagnostic chez notre patient. Dans la série Allemande, seuls 33 parmi les 86 patients présentaient la triade caractéristique pustulose palmo-plantaire-hyperostose sternoclaviculaire-acné [6]. Dans les séries françaises de Chamot et de Hayem il n’y avait pas de manifestations cutanées dans 32,9% et 16% des cas respectivement [3,7]. La présentation clinique de notre patient s’avérait caricaturale pour évoquer un autre diagnostic. Les aspects d’hyperostose manubriale scanographique et en « tête de taureau » de la scintigraphie osseuse renforçaient la certitude diagnostique. Le travail de Schaub S et collègues en 2016 a confirmé la forte sensibilité de cette image scintigraphique dans le diagnostic du SAPHO en l’absence de critères diagnostiques validés à ce jour [8]. Dans la série de 67 cas récemment rapportée au Japon, 97 % des patients avaient des lésions osseuses d’hyperostose et d’ostéite manubriosternales caractéristiques du syndrome [9]. Au plan biologique le syndrome inflammatoire retrouvé chez notre patient paraissait modéré et non spécifique conformément à la littérature [10]. Certains auteurs le considèrent cependant comme facteur de risque de chronicité au même titre que le sexe féminin, la présence de synovite périphérique, d’atteintes cutanées et de la paroi thoracique antérieure [3]. Il ne nous a pas paru opportun de réaliser une biopsie tissulaire à la recherche de Propionibacterium acnes dans la mesure où cette recherche est le plus souvent négative dans les travaux de la littérature [2,9]. Dans la série italienne, l’examen des biopsies osseuses n’a révélé le P acnes que dans 1 seul cas sur 6 [11]. Au plan immunologique la recherche de l’antigène HLA B27 était négative chez notre patient. Il est reconnu que la prévalence du groupe HLA B27 apparait faible dans le SAPHO, retrouvée chez 13% seulement des patients de l’hôpital Bichat [2], 4% de la série italienne [3], 2,4 % de celle de la Chine [5] et aucun des 16 patients de Olivé et collègues en Espagne [12]. Aucune susceptibilité au complexe HLA de classe II n’a été démontrée à ce jour dans le SAPHO y compris avec le gène PSTPIP2 récemment incriminé dans des modèles de souris [13]. De même l’étude monocentrique française de Grosjean et collègues n’a pas retrouvé d’anticorps spécifiques au SAPHO [14]. L’évolution du syndrome se faisait sous un mode intermittent avec des rechutes de plus en plus rapprochées et mal tolérées dans notre cas tout comme chez 35% des patients de la série italienne [3]. Le patient avait reçu divers traitements de première ligne (anti-inflammatoires non stéroïdiens, corticoïdes, doxycycline, sulfasalazine, méthotrexate) sans amélioration. L’échec du méthotrexate (MTX) pourrait être lié à la localisation axiale exclusive des lésions ostéoarticulaires chez notre patient. L’efficacité du MTX est rapportée dans les formes majoritairement périphériques avec un index supérieur aux autres traitements usuels dans la série de l’hôpital Bichat hormis pour les traitements antiinflammatoires [2]. L’association MTX – Doxycycline n’a pas amélioré le patient. Cet antibiotique avait un faible index d’efficacité dans la série de l’hôpital Bichat. Matzonoglou et al ont rapporté cependant un effet favorable de l’association Doxycycline – Ionoxicam chez 5 patients en Grèce [15]. C’est dans ce pays qu’a été rapportée la première observation concernant le zolédronate dans le traitement du SAPHO avec une amélioration de 12 mois après 3 perfusions [16]. Douze perfusions ont été nécessaires dans notre cas pour obtenir une rémission durable (4 ans), ce qui nous a évités de recourir aux anti-TNF alpha dont l’efficacité est de plus en plus rapportée dans les cas de SAPHO réfractaires de la littérature [17-20].

 

CONCLUSION

Le syndrome SAPHO est rare chez le sujet noir pour des raisons peut-être génétiques non prouvées à ce jour. Notre observation est la première rapportée dans la littérature chez le sujet noir Africain. Le diagnostic de l’affection est aisé en présence du quinté clinico-morphologique constituant son acronyme. Son traitement n’est pas codifié. Les biphosphonates tels que le Zolédronate et les biothérapies de type anti-TNF alpha semblent donner de meilleurs résultats que les traitements classiques.

 

Contribution individuelle des auteurs

Iba ba J : recherche documentaire.
Ntsame Ngoua S : participation à l’observation, reconnaissance des lésions dermatologiques.
Nziengui Madjinou MIC : mise en forme de l’article.
Nseng Nseng IR : recherche documentaire.
Traoré S : standardisation des figures.
Ella Ondo T : standardisation des figues et relecture de l’article.
Moussavou Kombila JB : lecture critique de l’article.
Boguikouma JB : lecture critique de l’article et planification de sa soumission.

 

REFERENCES

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